Tu n’es que brique et comme tel, tu ne vaux que solidaire à tes semblables, unis à eux par le mortier du langage. Seul, tu n’es qu’un matériau égaré. Solitaire, tu dois trouver la façon de faire retour vers les autres.

(Merci à G. B.)

3 réflexions sur “Résolution nocturne #4

  1. Le mot « solidaire » est mal choisi ou tout au moins ambigu.

    Le problème de nos sociétés est de savoir qui sont nos « semblables » alors que lorsque le « mortier » se composait de quelques mots, nous pourrions imaginer qu’il (le problème) n’existait pas. La question qui se pose alors, depuis au moins Socrate, est de savoir comment vivre ensemble alors que nous ne sommes pas « semblables », d’où sa recherche de la vérité : est-ce que mes « non-semblables » disent la vérité? La réponse est toujours non. Mais nous l’ignorons en imposant notre mortier à nos « non-semblables ».

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  2. Je me situais dans un registre plus existentiel. Je songeais que l’échec d’une philosophie consiste à faire croire aux hommes que ce sont de grandes substances abstraites qui règlent leur existence, y compris peut-être la vérité. Alors qu’il ne s’agit jamais que d’élaborer le mortier qui saura nous lier à l’édifice humain. Nous ne philosophons jamais que sur la distance qui nous sépare des autres. Ah ! Mais je me rends compte que ce propos me rapproche, d’une manière tout à fait insoupçonnée, du vôtre !

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    1. « Ce dont on ne peut parler il faut le taire… ». Je suppose que Wittgenstein s’adressait aux philosophes. J’en déduis donc que la philosophie ne peut être que la recherche de vérités. Et pour reprendre ce que vous dites qui me plait beaucoup, ces vérités concernent « la distance qui nous sépare les uns les autres » (ce qui me semble plus ouvert que « ce qui nous sépare des autres »).

      Je déduis de votre réponse que le « tu » est un philosophe. Et c’est je suppose ce qui nous « sépare ». C’est pourquoi je trouve ambigu ce que vous dites : « Je songeais que l’échec d’une philosophie consiste à faire croire aux hommes que ce sont de grandes substances abstraites qui règlent leur existence, y compris peut-être la vérité. » Car vous parlez des substances abstraites philosophiques qui sont rarement des vérités. Elles ne règlent effectivement pas nos vies. Mais ce sont pourtant les vérités qui régissent nos vies que nous en ayons conscience ou pas. Lorsque je tape cette réponse sur mon ordinateur et qu’elle vous parvient, c’est parce qu’il y a de « grandes substances abstraites » qui relient mon ordinateur au vôtre, et elles sont basées (exclusivement) sur des vérités. Qu’est-ce qui nous pousse (vous et moi) à nous laisser régir par ces vérités? Nous avons juste appris le « mortier » qui nous permet de le faire, parce qu’il existe, que « quelqu’un l’a dit ». Ce sont bien les vérités (« ce dont on peut parler ») qui nous séparent les uns les autres, car tout le monde n’apprend pas les mêmes. Cependant, tout le monde (je crois) peut apprendre à utiliser un ordinateur et tout le monde (je crois) peut apprendre la philosophie. Il n’y a pas de mortier « manquant » qui pourrait nous relier, nous ne pouvons pas tout apprendre.

      Pourtant, c’est bien celui-là (le mortier manquant) que je cherche !!! Car c’est bien cela qui nous sépare les uns les autres. Le problème revient alors sur à quoi sert la philosophie? Soit à faire de la politique (promouvoir le bien et le mal, « il faut aider les pauvres », ce que le philosophe « doit taire »), soit à rechercher la vérité (« ce qui peut être dit ») : « les hommes sont régis par le bien et le mal ». Le problème du philosophe est alors le suivant: en divulguant cette vérité, le monde changera (sans savoir si c’est bien ou mal) car les hommes pourront découvrir d’autres façons d’agir et peut-être l’homme ne sera plus un « animal politique ». Mais à quoi cela peut-il bien servir? Cette vérité est ce qui le sépare des autres, mais comme pour l’ordinateur, il ne sait pas à quoi cela peut servir à l’humanité… Devenu « seul, il n’est plus qu’un matériau égaré. » Et « solitaire, il doit trouver la façon de faire retour vers les autres. »… et la seule façon est alors de se battre pour son « bien » puisque c’est ce que font les autres.

      N’est-ce pas ce qu’a fait Wittgenstein? Devenu seul, il a voulu devenir moine. Et confronté à l’illusion de la solitude (et parce qu’il en avait l’occasion), il est devenu philosophe. Mais, il s’est seulement rapproché des philosophes… « les autres » ne sont que les philosophes (dans son cas).

      « Tu n’es que brique et comme tel, tu ne vaux que solidaire à tes semblables, unis à eux par le mortier du langage. Seul, tu n’es qu’un matériau égaré. Solitaire, tu dois trouver la façon de faire retour vers les autres. » Tes « semblables » sont ceux qui te ressemblent, et « les autres » ce sont tes semblables… Oui, c’est alors très juste…Mais ne faisons nous pas (parfois ou toujours) semblant de trouver des semblables?

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