D’entrée de jeu, je dois avertir le lecteur que je vais révéler, dans les lignes qui suivent, un pan tout à fait obscur de mon existence. C’est quelque chose de si troublant qu’il est fort possible que l’image que l’on se sera assurément faite de moi jusqu’ici – soit celle d’un irrésistible et distingué dandy de plage au bronzage parfait – soit troublée à tout jamais. Pourtant, quelque chose me force tout de même à écrire. Est-ce le génie malin qui m’habite et me pousse depuis toujours à toutes les turpitudes philosophiques dont je barbouille ces lieux ? Je n’en sais rien: le bourreau qui s’acharne sur mon cas prends soin de ne jamais se dévoiler, me privant ainsi de la mince consolation qu’il y aurait à connaître la cause de mon tourment. Ici, comme ailleurs, je dois donc une fois de plus m’abandonner à cette servitude dont j’ignore les tenants et aboutissants.

Voilà: il y a quelques temps de cela, j’ai déambulé parmi mes semblables la braguette ouverte. Pendant de longues minutes. La braguette ouverte. Complètement. C’est dit. Lorsque je m’en suis aperçu, j’ai pris un bon moment pour digérer l’information – après m’être dissimulé, bien entendu. Je n’en revenais pas. Le voile de la réalité s’était soudainement déchiré – ou plutôt abaissé, laissant s’écouler la substance inadmissible d’un obscur monde parallèle. Je suis resté un moment tétanisé, le geste poisseux, comme si j’avais été enduit d’une glaire immonde. Puis, revenant à moi-même, et me trouvant saisi par une irrésistible curiosité, je me suis alors plié le tronc en un mouvement d’une flexibilité étonnante et j’ai passé la tête dans l’ouverture sombre de ma braguette, question d’aller examiner ce qui pouvait bien se cacher dans les coulisses d’un tel événement.

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Nous trouvons certainement dans la honte de soi l’une des choses les plus étranges du monde. Qu’est-ce que ce retournement de situation par lequel la force qui s’était pourtant héroïquement déployée depuis le big-bang, au travers des formes les plus extraordinaires – galaxies, étoiles, planètes, minéraux, plantes, animaux et enfin hominidés – et qui au bout de ce parcours inouï, en vient à se recroqueviller sur elle-même? Car enfin, nous ne trouvons rien de tel chez les animaux: même la limace – œuvre bâclée de Dieu s’il en est une – est animée par une liberté sans fin. Par «liberté», j’entends la faculté, opposée à la honte, qu’a un être de lutter pour la parcelle de force divine qui l’habite. Ainsi, on pourra bien mettre sur le chemin d’une limace les pires obstacles – quelques pincées de sel par exemple (le sel fait s’assécher la chair de la limace de la manière la plus cruelle), mais jamais elle ne s’arrêtera afin de s’appesantir sur son sort puis pour s’en tortiller de honte. La limace avance infailliblement, toute ridicule qu’elle soit, quitte à ce que ce soit vers sa propre perte. Évidemment, ces bestioles ont l’avantage de ne pas être munies d’une braguette, et donc de ne pouvoir la laisser ouverte. De même que le voile de leur réalité ne peut s’abaisser puisqu’il n’y a rien dans le monde des limaces, ni d’ailleurs dans celui des plantes ou des animaux qui soit voilé. Pour reprendre l’expression de Georges Bataille, tout animal est dans le monde comme de l’eau à l’intérieur de l’eau: c’est-à-dire sans séparation distincte.

Mais quant à nous hommes, nous avons pour habitude d’enfiler le scaphandre de nos vêtements et de nos idées, qui nous place dans un constant décalage avec les choses. Pourquoi ? Parce que nous ne voulons pas couler avec l’eau, mais bien plutôt prendre le contrôle de son écoulement. De quelle façon ? Pour répondre à cette question, songeons à ce que fait un homme lorsqu’il se sent emporté par une cascade d’événements qui le dépassent: il finit bien entendu par se dire « mais arrête un moment mon vieux ! » C’est-à-dire qu’il s’accroche ferme à ce qui lui tombe sous la main et se met, pendant un instant, face au courant qui menace de l’entraîner afin d’analyser la situation et éventuellement d’en tirer des résolutions. À grande échelle, l’humanité ne fait pas différemment, excepté que les moyens varient: par exemple, nous bâtissons des maisons pour nous sortir des contraintes de notre environnement, créons des œuvres pour que notre horizon dépasse celui auquel nous confèrent nos sens et consacrons nos vies à des codes de conduite qui nous font sortir de la stricte obédience aux lois de la nature. De telle sorte que nous arrivons plus ou moins à habiter le monde, à en faire un endroit où nous nous sentons chez nous.

Le revers de cette victoire, c’est que nous y perdons l’aisance qu’il y a à se laisser porter par le monde, comme le fait la limace en suivant le fil ses petites besognes de limace sans jamais en détourner son horrible corps visqueux. Au lieu de cela, nous dissimulons autant que faire se peut toutes nos dépendances à l’égard de l’ordre de la nature : nous maquillons notre propension à absorber les cadavres d’autres organismes – ce en quoi consiste la nutrition – sous l’art de la gastronomie et l’étiquette de la table; l’exercice de mélange de nos substances reproductives, réalisé par le frottement frénétique des chairs, nous le reléguons à la chambre à coucher, et le recouvrons des rituels de l’amour; quant aux activités d’expulsion des déchets de notre corps, nous devons aussi les réserver à des lieux précis et en éliminer, dans la mesure du possible, les signes annonciateurs. Bref, nous nous chargeons volontiers du fardeau d’être plus que ce que nous sommes réellement, de faire croire au monde entier, à commencer par nous-mêmes, que nous sommes davantage que des hommes. Nous nous frappons mutuellement du sceau inaltérable de l’Exigence – avec un grand « E » s’il vous plaît. Nous tendons à faire de notre propre personne une oeuvre d’art, une négation de la nature. C’est en ce sens que nous pourrions dire que nous avons toujours cherché à nous rapprocher de Dieu et ce, qu’il existe ou non.

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Évidemment, dépassé un certain point, cette Exigence qui nous habite finit par devenir une sorte de maladie. L’homme qui se garrotte le corps pour en retenir les appétits peut bien arriver à ses fins pendant un moment mais il y a fort à parier qu’ils finiront par suinter de toutes parts, et cette fois-ci sans l’action régulatrice du principal concerné. De même que tout barrage érigé sans qu’il ait été prévu de le munir de quelque dispositif pour laisser s’écouler l’eau est voué à l’effondrement. Il en va d’une rivière comme des appétits du corps: leur élan peut être dompté, mais non éteint. Mais comment expliquer que l’on en vienne à de si regrettables extrémités ? Par la lassitude qui peut se profiler au cœur d’un homme de se sentir le jouet des forces du monde, ainsi que par le désir corrélatif et immodéré d’en acquérir le plein contrôle. L’impatience, la hâte nous gagnent, de sorte que nous en finissons parfois par oublier que le jeu de l’Exigence n’est justement jamais qu’un jeu, une immense comédie (ce qui ne nous économise toutefois nullement de la nécessité d’y jouer avec sérieux). Et c’est dans ces conditions que la honte risque de bondir de sa cachette pour venir nous harasser.

Bien entendu, elle ne manque pas de le faire, puisque la vie est ponctuée de ces moments de ridicule où le voile tombe un peu et révèle l’envers des choses : le petit vent qui s’échappe inopportunément de nos entrailles, le lapsus qui vient interrompre le majestueux vol de notre discours, le regard peu discret sur les parties plaisantes de l’anatomie d’un ou d’une semblable, que le désir nous arrache à notre insu. Ou encore, bien sûr, la braguette oubliée lors d’un passage dans les coulisses de notre grande comédie. Ainsi, l’indésirable béance qui trouble parfois la fière allure de nos pantalons constitue une véritable porte ouverte sur le monde de notre sujétion aux lois de la nature. Mieux: c’est un trou noir qui aspire toutes les vanités dont nous nous auréolons pour oublier cette si éprouvante servitude. Et peut-être pourrions-nous même l’interpréter comme une sorte de lapsus vestimentaire, qui nous rappelle soudainement que derrière le comédien et ses inépuisables simagrées, il y a un être qui rêve secrètement d’arracher tous ses vêtements, d’aller courir dans la savane, de copuler sans raison, de se goinfrer sans façons et pourquoi pas : de se faire limace afin de n’avoir plus jamais qu’à dériver poisseusement sur les eaux noires du temps.

13 réflexions sur “La braguette maléfique

  1. « tout animal est dans le monde comme de l’eau à l’intérieur de l’eau: c’est-à-dire sans séparation distincte. »

    Qu’est-ce qui vous dit qu’il en va différemment pour l’homme?

    L’animal ne connaît ni le monde, ni l’eau, ni l’intérieur… Nous avons honte, ou autre chose, parce que cela fait partie du monde et que nous en faisons partie, sans séparation distincte. Si ce n’était pas le cas, nous serions inadaptés, nous ne pourrions pas en faire partie.

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  2. Tout me dit qu’il en va différemment pour l’homme, puisque nous avons des attitudes qui sont radicalement différentes des animaux. La proposition de Bataille vaut comme caractérisation impressionniste de cette différence perçue. D’ailleurs, toutes les propositions métaphysiques ne devraient-elles pas être interprétées comme des caractérisations impressionnistes du monde, entendu que nous ne saurions donner un sens strict et clair à des concepts tel que celui du monde, ou celui de la séparation (dans ce contexte-ci) ?

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    1. C’est le propre du vivant. Je vous invite à lire F. VARELA, mais je connais pas les livres qui sont encore en vente. Si vous lisez l’anglais, sur mon site il y a un lien vers un PDF en anglais. Il parle de « couplage » pour dire finalement la même chose que Bataille (sauf qu’il y a une séparation entre l’eau et l’eau).
      Nous raisonnons à l’envers, nous ne voulons pas comprendre que la souris est « là » pour le chat, ce n’est pas le chat qui s’est adapté à la souris (tout au moins ce chat-ci ou celui-là). Il y a un couplage entre le vivant et l’environnement. Les comportements humains sont différents de ceux des animaux mais pas ce principe de couplage. Vous existez parce que la braguette est « là ». Cela vous semble absurde pour ce cas, car l’homme pourrait vivre sans, mais elle est là dans l’environnement et vous ne pouvez rien y faire, vous êtes contraints d’apprendre les comportements qui s’y rapportent. La braguette nous semble moins utile que la souris pour le chat, mais c’est parce que nous avons des comportements pour le juger, ce ne sont que des jugements humains, nous ne pourrions pas le démontrer.

      Il n’y a pas de proposition métaphysique qui n’est qu’une opinion comme une autre. J’ai fait une erreur d’interprétation de Wittgenstein… croyant que c’est ce qu’il disait: la philosophie n’est que non-sens. Mais ce qu’il dit est « non-sens » également, car il le justifie en disant que nous ne pouvons rien savoir de ce qu’est une chose (la chose en soi), faisant comme si les choses existaient indépendamment de nous, qu’il n’y avait pas de couplage… la braguette, le monde, le chat, la souris, toutes les choses sont des inventions humaines, nous pouvons donc savoir ce qu’elles sont. Mais ce qu’elles sont ne nous dit pas ce que nous devons faire: ce problème de braguette est absurde, devons nous avoir ses comportements? Mais comme nous sommes couplés avec ces choses, nous ne pouvons rien faire d’autres que les subir lorsqu’elles nous paraissent absurdes, et lutter contre ceux qui ne pensent pas cela. Et alors, nous n’avons que des opinions, ce que nous appelons la philosophie, la politique, la poésie… selon la forme qu’elles prennent. La question qui vous préoccupe alors est de savoir ce qui vous gêne, qu’est-ce qui fait que vous n’avez pas appris à regarder 20 fois par jour que votre braguette est bien fermée, car il n’y a pas d’autres solutions… et cela vous gêne parce que cela vous révolte. Et pourquoi? Ce n’est pas parce que cela est absurde ou qu »il y aurait une « chose en vous » qui le trouverait absurde, mais parce ce n’est pas ce que vous devez faire (ce que vous avez appris à faire), mais ce que d’autres voudraient que vous fassiez (car eux ont appris à le faire).

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  3. Il y a un couplage, et je vois sans difficulté cette idée d’unité. J’aurais d’ailleurs fort pu en parler dans un autre contexte mais seulement, cela ne convenait pas au présent sujet. D’un autre côté, il y a aussi une coupure. Vous pouvez bien en nier la réalité ontologique (même si je ne suis pas certain de ce que cette expression signifie), cela ne m’importe guère car c’est quelque chose qui nous habite tout de même. Nous pourrions peut-être caractériser cette coupure comme le malaise qui résulte du développement de notre intelligence. Car l’intelligence et la technique nous font perdre pied: c’est un thème que nous avions abordé en parlant des voitures. Nos idées et nos vêtements – symbole de notre technique – constituent effectivement une sorte de scaphandre, dans la mesure où nous nous y sentons découplés et ce, même si nous ne le sommes pas (et même si je ne suis pas certain de la différence qu’il y a entre être découplé et se sentir découplé, puisqu’une telle chose ne peut avoir d’existence que sous la forme d’un ressenti). Nous devenons alors déchirés entre l’élan de l’intelligence qui nous entraîne, et un besoin de ralentissement, d’enracinement. La nostalgie de l’enfance ne recoupe-t-elle pas cela ? De même que celle de la nature ?

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    1. Varela était un biologiste. Le couplage est comme « l’eau dans l’eau », une façon d’appréhender le problème de la vie, pas seulement de distinguer l’animal de l’homme. Il y a séparation entre l’organisme vivant et son extérieur, qui ne connaît rien de son extérieur. Il fait la métaphore avec un sous-marin. Vous êtes dans un sous-marin, séparé de l’eau, vous ne pouvez rien connaître de votre extérieur. Pour que le sous-marin puisse exister, il faut qu’il sache répondre aux perturbations extérieures de façon adéquate. Il existe parce son « espèce » s’est développée en même temps que l’environnement, les sous-marins qui n’auraient pas été couplés sont au fond de l’eau, disparus à jamais. Tant que la réponse à une perturbation conduit à d’autres perturbations, cela signifie qu’elle n’est pas satisfaisante. Il ne cherche pas à résoudre un problème qui lui est extérieur, mais qui lui est intérieur, le couplage induisant que c’est la même chose. Je pense qu’il est trop tôt pour dire que cette réponse inadéquate provoque un malaise, mais c’est bien ce type de réactions physiologiques que nous avons chez les animaux et chez-nous mêmes pour des comportements non humains. L’animal est « affolé » (bien que le mot ne soit sans doute pas approprié) s’il ne trouve pas la réponse.

      Comme pour les animaux, la seule chose que nous pouvons faire est de répondre à des perturbations qui nous permettent d’éviter les écueils. Comme nous ne connaissons rien de notre extérieur, le monde que nous construisons pour cela est imaginaire (dans le sens imaginé par l’homme, pas dans le sens de « sans réalité », bien que la réalité soit également imaginée par l’homme). D’où vient ce monde imaginaire puisque nous ne pouvons rien connaître de l’extérieur? Pour les animaux, la réponse est simple, c’est le couplage, ils sont comme l’eau dans l’eau, mais pour l’homme? Notre sous-marin humain est classé parmi les mammifères qui inhibent le couplage pour le « réapprendre ». Il peut ainsi apprendre des comportements et les reproduire. Cela ne change pas grand chose sauf qu’il peut imiter les autres, ce qui s’apparente à de la communication. Le sous-marin 1 communique au 2 la réponse qu’il a donnée. Et parmi les mammifères, l’homme est capable d’associer deux réponses, ce qui lui permet d’anticiper: la réponse 1 sera la cause de la réponse 2. Il va communiquer cela aux autres sous-marins par le langage.

      C’est ainsi qu’il créé un monde qui peut sembler en quelque sorte découplé de son extérieur, car cette anticipation n’a rien à voir avec l’extérieur mais avec ce que font les autres sous-marins. Le couplage ne concerne plus que la réponse individuelle (d’une part la cause, la réponse 1, et d’autre part, l’effet, la réponse 2), mais pas l’anticipation elle-même (que la réponse 1 conduise à la 2). Cela sous-entend un couplage avec les autres sous-marins puisque ce que nous anticipons n’est que ce qu’ils vont faire. Quand ils feront 1, nous nous attendrons à la réponse 2.

      Le « malaise » peut donc avoir plusieurs origines. Il peut être « animal », une réponse inadéquate à une perturbation, je me suis brûlé, mais tout ce qui m’entoure brûle, je n’ai aucune réaction adéquate. Il peut être individuel, j’anticipe la réponse 2 mais je ne sais pas l’accomplir correctement (accidentellement ou pas) et je suis confronté à un décalage entre ce que j’ai anticipé et ce que j’ai fait. J’ai anticipé que j’avais fermé ma braguette et ce n’était pas le cas, c’est pourtant bien ce que je devais faire, j’ai donc le sentiment d’avoir mal fait, ce que je vais m’empresser de réparer en apprenant encore et encore. Et enfin, il peut y avoir un décalage entre ce que j’ai appris d’autres sous-marins et ce que font des sous-marins auxquels je suis confronté. Dans ma « culture » (qui, de nos jours, est devenue individuelle et qui provient des sous-marins que j’ai côtoyés) la braguette est une absurdité, mais ce n’est pas ainsi pour tous les sous-marins. Je la ferme comme cela, sans y penser, et lorsque je suis confronté à « mes » sous-marins, ils me le disent gentiment. Mais lorsque je suis confronté à d’autres, ils ricanent ou me font une remarque désobligeante, pour eux c’est quelque chose d’important. Cela va s’inscrire en moi sous forme d’un souvenir qui n’est pas associé à l’anticipation (le sentiment de bien ou mal faire), mais à mon apprentissage animal (la réponse inadéquate). A chaque fois que je vais fermer ma braguette, ce souvenir va revenir pour me rappeler l’inadéquation entre ce que je fais et le résultat obtenu, je me suis brûlé. Disons que si j’avais été un simple mammifère ma réaction aurait de les fuir à jamais ou de me jeter sur eux pour les faire fuir à jamais, et qu’à chaque fois que ce souvenir me revient, c’est pour me rappeler que ma réaction a été inadéquate. Pour revenir à un autre de vos posts, je n’ai pas sorti mon révolver pour leur tirer dessus et faire ainsi « la paix avec moi-même ». Je pense que lorsque vous parlez de malaise, c’est de cela que vous parlez, car dans le premier cas, nous n’avons pas de sentiment, si nous survivons à l’incendie, ce sera une pathologie et pas un simple malaise, et dans le deuxième cas, ce n’est que transitoire ou accidentel, c’est ce que nous devons faire. Alors que dans le dernier cas, nous avons bien fait, mais pas pour les autres, et le problème (le malaise) est donc récurrent.

      Je ne suis pas certain que ce soit la « nostalgie » de l’enfance… mais dans notre enfance, normalement (si tout se passe bien), nous ne sommes confrontés qu’au cas 1 et 2. Mais tout ne se passe pas toujours bien, nous sommes confrontés très jeunes à ce type de choses. Cependant, nous pourrions dire cela, car c’est la période où nous apprenons à bien faire, donc d’une certaine façon nous confrontons ce que nous avons appris dans notre enfance, à ce que nous subissons étant adultes. Cela n’a rien à voir avec la nature puisque notre monde est imaginaire, et que par conséquent nos malaises également. Mais cela a un rapport avec l’enracinent (et la nostalgie de l’enfance). Dans un monde qui évolue trop vite par rapport à la capacité des sous-marins à apprendre à s’y comporter, ce que nous apprenons est très vite obsolète, nous sommes alors en permanence confrontés à ce genre de situation: « de mon temps il n’y avait pas de braguette (j’invente), alors foutez moi la paix ».

      L’intérêt de votre sujet est que cela permet d’illustrer le problème, mais je crains d’avoir un peu trop élagué en construisant cette réponse, car il n’y a pas un malaise mais des malaises.

      Une question que je me pose, car j’ai évoqué les souvenirs ci-avant, ce que vous aviez fait dans un de vos posts sur votre enfance, est la suivante: je dis que le malaise peut être compris au travers de nos souvenirs, celui de ces gens qui ont ricané parce que ma braguette était ouverte. Or dans votre post, vos souvenirs semblaient « nostalgiques », disons que c’était des souvenirs associés au plaisir. Or, je viens de remettre cela en cause. Le plaisir est récurrent, c’est ce que nous faisons quand personne ne nous en empêche, nous n’avons pas besoin de souvenirs, nous savons le faire… Le souvenir ne cache-t-il pas toujours un malaise? Ce souvenir qui me revient que j’associe à un sentiment agréable, me revient-il parce que cette sensation me manque ou parce qu’il y avait une dissonance par rapport à cette sensation qui aurait dû être agréable, associé au plaisir? Sinon pourquoi est-ce que je m’en souviens? Le plaisir ne fait-il pas partie de nos malaises? C’est un post que j’ai écrit qui me fait penser à cela (sur la conscience), car initialement ce souvenir qui me revenait et que j’ai évoqué, n »était pas désagréable… pourtant, il était dissonant par rapport à ce que je fais.

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  4. J’étais certain que j’allais me noyer dans votre réponse touffue mais étonnamment, je crois l’avoir assez bien traversée.

    J’avais l’impression, au début de cette conversation, que nous étions en désaccord mais je me rends compte que ce n’est pas tant le cas. Simplement, comme à votre habitude, vous tentez de ressaisir la matière de mon article dans votre langage, ce qui donne une perspective différente. Peut-être pourrions-nous dire, un peu grossièrement, que vous êtes plus « technique » que moi en ce sens que vous donnez au lecteur des outils chirurgicaux afin qu’il puisse disséquer le problème, tandis que je me situerais dans un registre plus expressif, en ce sens que je cherche avant tout à susciter l’inspiration. Je cherche à donner au lecteur le sens de la grandeur philosophique des choses qui nous entourent.

    Ce que j’appelle le règne de l’Exigence avec un grand « E » dans mon texte correspondrait dans votre langage au règne du couplage multi-sous-marinier. Nous pouvons dire aussi que ce sont là les modalités de la vie qui se développent sous l’impulsion du développement de l’intelligence.

    Parenthèse: vous souvenez-vous précisément d’où vient l’histoire du révolver ? Cela ne me revient pas.

    Je dois partir rapidement alors je post ceci même si je n’ai pas fini de réfléchir à votre intervention. Au relire.

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    1. Il n’y a pas de révolver, mais je pensais à https://dompteurdemots.com/2018/04/01/carmageddon/.

      Je ne pense pas que nous soyons en désaccord, mais j’ai l’impression que ce n’est que par un artifice littéraire que je ne n’arrive pas à saisir. La façon dont vous écrivez élude les points où nous pourrions l’être. C’est peut-être là un talent propre à certains philosophes. Cependant, il en résulte un décalage entre vos propos et les miens que je ne sais pas combler, mais qui me passionne. Je crois que cela ramène à l’objet même de la philosophie.

      De mémoire, Varela prenait l’exemple du sous-marin pour « montrer » la perspective de l’observateur qui ne peut pas savoir ce qui se passe dans le sous-marin mais constate qu’il évite les obstacles. Il en déduit l’intelligence de l’équipage qui ne fait pourtant que faire ce qu’il sait faire. L’intelligence n’existe que pour l’observateur, de même que tout ce dont nous parlons, bien que cela soit encore trompeur car l’observateur lui-même est dans le même cas, ne faisant que ce qu’il sait faire, parler de l’intelligence.

      « Nous trouvons certainement dans la honte de soi l’une des choses les plus étranges du monde. »… c’est le point du vue de l’observateur. Et je n’ai rien à redire, nous sommes d’accord. Mais qu’est-ce que cela peut signifier? Vous-mêmes avez-vous eu honte? Ne répondez pas trop vite, car vous savez en parler. Comment pouvez-vous le savoir? Dans le dictionnaire, la honte est : « Déshonneur, humiliation. ». Et humilier, signifie : « 1. RELIG. CHRÉTIENNE. Abaisser en rendant humble, emplir d’humilité. 2. Abaisser en mortifiant, par une action ou une parole blessante ».

      Nous avons là notre décalage. Si vous dites que vous avez honte c’est parce que vous pouvez mettre des mots sur votre comportement, comme le ferait un observateur qui connaîtrait ces mots, c’est donc parce que vous avez appris que « l’effet de la honte est de s’abaisser en mortifiant une action ». En faisant abstraction de cette connaissance, avez-vous eu honte? Vous n’avez fait que vous abaisser en mortifiant votre action (ou votre inattention), ce qui fut peut-être associé d’un sentiment particulier d’avoir « mal fait » que nous pourrions encore nommer la honte, mais ce sentiment est seulement associé à votre comportement, ce n’en est pas la cause. La question est alors d’où vient ce comportement? Est-ce que vous l’avez accompli parce que vous aviez honte, ce qui revient à dire que l’intelligence est dans le sous-marin, que ce n’est pas le résultat d’une observation, ou l’avez-vous accompli parce que vous l’avez appris vous ne savez comment et où (mais nous sommes dans une culture chrétienne…), et que par votre connaissance vous pouvez le qualifier en disant que vous avez eu honte?

      Peut-être comprenez-vous ce qui me chagrine. Cela ne change rien à ce que vous dites, mais vous ne faites que décrire notre culture (je ne pense pas que vous pensiez le contraire) sans jamais sortir de ce cadre. Il en résulte que ce malaise n’a pas de solution… Nous devons le subir. Ainsi, il me semble que votre perspective est bien celle qui consiste à considérer que l’intelligence est dans le sous-marin, que c’est quelque chose qui « habite » notre cerveau, et que par conséquent c’est la honte qui a ainsi guidé votre comportement. Il en résulte qu’elle est éternelle, que même la limace devrait avoir, caché quelque part, les prémices de la honte… ou alors que nous l’avons hérité d’un au-delà qui nous sépare irrémédiablement de la limace. Nous ne cherchons ainsi jamais d’où elle provient et à quoi elle sert, et par là-même comment nous pourrions éliminer le malaise, ou tout au moins nous en prémunir.

      « Nous pouvons dire aussi que ce sont là les modalités de la vie qui se développent sous l’impulsion du développement de l’intelligence. » Et donc voilà nous y revenons… D’une part, j’aurais dit « des » et pas « les » modalités, car ce ne sont que des créations humains et nous pourrions penser qu’elles ne sont pas inéluctables, et d’autre part, le « développement de l’intelligence » me semble ambigu car je parlerais plutôt de l’évolution des connaissances. Qu’entendez-vous par développement de l’intelligence?

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  5. Post très intéressant Hervé, je vous remercie.

    Vous êtes un peu sévère quand même ! 🙂 Je décris la culture, en effet, mais je sors de son cadre par le rapport critique et par l’ironie que j’instaure. Quant aux questions que vous posez, je pense que j’y réponds dans mon texte… sans y répondre à la fois. Je n’aime pas répondre directement aux questions. C’est peut-être ce qui vous chicote dans mon écriture. J’aime confondre les questions et les réponses. Mais je vais développer:

    1) D’où provient et à quoi sert la honte ? Ma foi ! Elle ne sert à rien. Elle est la manifestation de l’Exigence, de l’élan de l’intelligence lorsqu’il bute les limites inhérentes à notre être. À quoi sert-il à Lloris de regarder le sol lorsqu’il vient d’échapper le ballon ? À rien. Ce n’est que la manifestation, sous un mode différent, de la même chose exactement qui fait que ses coéquipiers regardent, en même temps, au ciel avec dépit, ou la même chose qui les faisait tous, avant l’incident, regarder le ballon avec le feu dans les yeux. L’Exigence est une chose qui est promue par une collectivité, et qui s’intériorise dans les individus. Est-ce que ce qu’a vécu Lloris suite à son erreur est une mauvaise chose ? Oui et non. Désagréable, sans doute, mais essentielle au maintient de l’Exigence. S’il avait eu l’air de s’en foutre, il aurait été viré de l’équipe. Mais la question ne se pose pas vraiment en même temps car s’il n’avait pas eu honte, cela aurait signifié que l’Exigence n’était pas profondément intériorisée en lui et du coup, il n’aurait pas fait partie de l’équipe. Il était donc dans l’ordre des choses qu’il ait honte. La honte ne sert donc à rien mais en même temps, d’une certaine façon, elle sert à tout.

    2) Comment l’éliminer ou nous en prémunir ? Il y a des psychologues qui s’occupent de remonter le moral aux sportifs qui commettent de grosses bévues. Que leur disent-ils ? On peut se l’imaginer: qu’il faut le voir comme une occasion de redoubler d’effort pour se dépasser, que ce n’est qu’une occasion manquée, qu’il y en aura d’autres, etc. Bref, il s’agit de rallumer le feu de l’Exigence. En somme, suivant cela, la façon de l’éliminer est de ne pas l’éliminer ! Ou, plus clairement, il s’agit plus ou moins de faire voir que la honte n’est que la face obscure de l’Exigence. Il s’agit donc de lui redonner son visage positif.

    Mais il y a aussi une autre voie importante: celle du rire. Il faut savoir en rire. C’est une chose complètement différente car le rire nous emmène par-delà l’Exigence. Encore qu’il faille bien distinguer le rire de soulagement de celui qui vient de retrouver la face positive de l’Exigence, du rire ironique de celui qui vient de percevoir l’absurdité de tout ceci. Non pas que cela nous fasse échapper à l’Exigence, mais elle ne nous apparaît plus que comme un jeu – absurde, il est vrai, mais beau. L’on peut alors épouser la comédie humaine, épouser l’Exigence, mais cette fois avec une légèreté nouvelle, celle par exemple de l’enfant, qui obéit mais qui en retarde toujours le moment au maximum, avec cette manière qui lui est propre de rappeler à son parent que tout ça n’a qu’une importance relative, qu’il faut obéir, oui, mais qu’il faut aussi y prendre son pied. Le parent, en voulant se faire obéir, obéit lui-même à quelque chose qui le dépasse. Je n’ai jamais humilié ma fille (pardon je saute du coq à l’âne) mais pourtant, elle connaît la honte: c’est que je lui communique l’Exigence. Et elle veut sauter dans le train, elle sent que c’est son destin, que c’est sa voie mais elle est retenue parfois par ce qui en elle voudrait faire n’importe quoi. Alors parfois, elle a honte. Par exemple lorsqu’elle a un mauvais geste ou une mauvaise parole. Alors qu’est-ce que je fais ? Comme les psychologues sportifs, oui. Mais aussi, par mon attitude générale, je crois que je lui communique le Grand Rire. C’est une petite fille heureuse et je crois que c’est parce qu’elle voit le jeu, l’absurdité dans le monde des hommes. Avez-vous remarqué que le concept d’absurdité peut recouper la même chose que celui de jeu mais sous un mode de tristesse ?

    Mais bref, j’espère que mon article est parcouru par un grand rire. C’est ce que j’ai voulu en tout cas.

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    1. J’ai encore raté la cible :-). Je fais une dernière réponse (pour cet article), en évitant le sujet du rire qui nous mènerait trop loin. Vous pourrez y réfléchir et me dire si cela vous intéresse d’approfondir ce que j’évoque (peut-être lors d’autres articles) ou si cela vous ennuie.

      « nous avons pour habitude d’enfiler le scaphandre de nos vêtements et de nos idées, qui nous place dans un constant décalage avec les choses » J’ai jeté mon scaphandre depuis bien des années… bien que parfois j’en retrouve des morceaux collés à ma peau. J’essaye de vous faire sortir du votre, sans succès. Je vais expliquer ce que je veux dire par là.

      Je suis d’une famille athée. Très jeune ma mère m’a expliqué que le père Noël n’existait pas. Je n’ai pas souvenir d’en avoir beaucoup parlé avec mes camarades car j’ai très bien compris que c’était un privilège rare. Je ne sais pas si elle avait tort ou raison, mais je lui en suis reconnaissant. Cela m’a pourtant posé de nombreux soucis. En l’occurrence, je ne me suis jamais considéré comme athée, car je ne voulais pas « entrer en religion ». J’ai en effet compris que l’athéisme ne faisait que lutter contre les religions, en disant « Dieu n’existe pas », ce n’était pas une façon de comprendre « ce qu’était Dieu » qui, d’une certaine façon, a plus de matérialité que la vie ou la honte. Aujourd’hui, je me rends compte que ce privilège me rend seul, que je suis le seul à ne pas « croire » en Dieu. Bien-sûr, je trouve de nombreuses personnes qui me disent « je ne suis pas croyant » ou « je ne crois pas en Dieu », mais personne dont les actes le confirment. Je ne fais que chercher mon groupe d’appartenance, des gens qui ne croient pas en Dieu afin de discuter d’autres choses que de Dieu et je n’en trouve pas. Peut-être me direz vous aussi que vous ne croyez pas en Dieu ou tout au moins que vous n’avez pas tranché… mais c’est parce que vous pensez que les croyances sont dans le sous-marin, pas dans ce que peut en dire un observateur.

      La croyance en Dieu est dans vos propos, par le fait même que vous pensez que l’intelligence est dans le cerveau ou tout au moins que vous éludez la question, ou encore lorsque vous dites: « Qu’est-ce que ce retournement de situation par lequel la force qui s’était pourtant héroïquement déployée depuis le big-bang, au travers des formes les plus extraordinaires – galaxies, étoiles, planètes, minéraux, plantes, animaux et enfin hominidés – et qui au bout de ce parcours inouï, en vient à se recroqueviller sur elle-même? » C’est bien cela (que rien n’est dans le cerveau) que cherche à montrer Varela qui étant catholique convaincu a eu quelques difficultés à l’admettre. Il a voulu en être « certain » et a fait quelques expériences qui montraient que la conscience n’étaient pas dans le cerveau. Mais ce n’est pas le sujet.

      La philosophie a un problème ou plutôt deux. Le premier est Dieu et le second est l’innée. Je ne connais aucun philosophe qui ne parte pas du principe que Dieu existe, même ceux qui se disent athée comme Sarthe par exemple, qui a mon sens sont les moins intéressants. La question de Dieu est celle de la provenance des choses, d’où provient la vie, la honte, ce caillou, cette galaxie? Tous remontent de cause en cause, Aristote nous parle d’un premier moteur, Spinoza d’une sorte de Dieu, Kant nous dit que nous ne trouverons pas, qu’il est illusoire de le chercher, ce qui induit l’existence de Dieu… J’évite Wittgenstein car pour lui c’est plus complexe, mais il part du principe de l’existence de Dieu. Tous se trompent, car leur raisonnement est tautologique, pour remonter de cause en cause jusqu’à l’existence de Dieu (ou du Big Bang), il faut que Dieu ait créé la « cause ». Aujourd’hui, nous disons simplement que nous ne savons pas CE QUE SONT les choses puisqu’elles sont créées par quelque chose que nous nommons Dieu ou pas, Pourtant, là encore ce raisonnement est absurde, car si Dieu ou cette chose existait, nous ne pourrions pas le savoir, remonter de cause en cause pour la découvrir. Nous raisonnons avec des concepts humains pour démontrer que des choses non humaines pourraient exister, c’est impossible. Il est donc impossible d’éluder ce sujet. Et contrairement à ce que je fais dans la métaphysique de la chose dire, il faut sortir de cette dichotomie dans laquelle nous a embarqué Wittgenstein (à la suite de Kant). Dieu existe forcément, comme toutes choses, et nous pouvons donc savoir ce qu’il est et ce qu’elles sont. Notre souci n’est pas de ne pas savoir ce que sont les choses, mais de ne pas savoir ce que nous devons en faire. Le second problème est celui de l’inné, et cette fois c’est moi qui élude le sujet. Nous pourrions par exemple nous demander si la honte (ou le rire) est tout ou partie innée. Mais ce sujet devient sans importance si nous admettons l’existence de Dieu, ce qui revient à dire que l’homme a créé toutes choses. La question revient à se demander s’il était contraint de les imaginer ou pas, peu importe qu’elles soient innées. Nous ne pourrions pas apprendre à compter sans des facultés innées, pourtant certains individus ne savent pas compter parce qu’ils n’ont pas appris. Qu’importe donc que ce soit inné ou pas, la question n’est pas de savoir si nous pouvons le faire, mais si nous devons le faire. Et la réponse ne dépend de l’existence ou de la non existence de Dieu, mais de ce qu’Il est puisque l’homme l’a créé.

      Nous en arrivons à quoi sert la honte? Et bien-sûr que cela ne sert à rien, car soit nous ne pouvons pas le savoir, savoir ce qu’est cette chose créée par Dieu, soit nous pouvons le savoir car elle est créée par l’homme, mais dans ce cas elle est arbitraire, nous aurions pu nous en passer. La limace ne vit pas, c’est un homme qui le dit, qui classifie la limace parmi les êtres vivants et le caillou parmi les êtres inertes. C’est bien parce que c’est l’homme qui le dit qu’il a des problèmes de classification. Est-ce que tel être est vivant ou pas. Et ces êtres qui échappent à la classification sont nombreux, mais peu importe, ce sont là des problèmes de biologistes. Puis, vous dites que cela sert à quelque chose malgré tout… mais c’est là où votre raisonnement est tronquée, car vous la considérez comme une chose immuable soit totalement innée, soit créé par un Dieu. Mais qu’en serait-il si si vous vous étiez dit, c’est l’homme qui a créé la honte et pour quoi l’a-t-il fait? Et selon ce pourquoi n’aurions nous pas d’autres moyens de la considérer? Je prends un exemple, en ce moment je m’intéresse à des individus qui s’interrogent sur les cycles. La guerre existe, nous ne la considérons pas, tout comme la honte, comme une création humaine, nous ne pouvons donc que la subir. Il en résulte que nous pourrons faire ce que nous voudrons, elle sera toujours là présente. Demain peut-être votre fille sera confrontée à une guerre mondiale que tout le monde prévoit bien pire que la précédente. Ces cycles cherchent à prévoir les guerres et ils ne le peuvent (de façon imprécise) que parce que l’homme ne fait que subir ces propres inventions en imaginant qu’elles sont divines, qu’il ne peut savoir ce qu’elles sont et par conséquent qu’il ne peut rien y faire. Peut-être ne peut-il pas en être autrement, mais nous avons jeté l’éponge. Nous attendons la prochaine guerre ou nous l’ignorons, comme nous attendons le messie ou ce prochain moment de honte.

      Alors non, je ne suis pas sévère quand je dis que vous ne sortez pas du cadre. Je vous invite à lire un petit livre, « la dimension cachée » de T. Hall. Bien-sûr, il ne fait que comparer les cultures, mais cela nous fait sortir du cadre. Ce qui m’a le plus marqué, c’est le concept de temps sur lequel il s’attarde longuement pour montrer la différence entre celle des sioux et la notre, la notre et celles d’autres cultures. Est-ce que le temps est une création humaine ou divine? Et cela nous amène à cette question, les sioux sont-ils des descendants d’Adam et Eve qui n’ont pas appris le temps (que nous voudrions leur imposer) ou des sortes d’animaux qui ne peuvent pas l’apprendre, question posée par l’église catholique il y a quelques siècles (https://www.youtube.com/watch?v=OvNV_k5EEyk). Alors que si le temps, la honte, la guerre sont des créations humaines. Qu’est-ce qui nous fait penser que nous devons y adhérer? Cette dimension cachée, car hors de notre conscience, est notre « monde logique ». Celui qui fait que vos raisonnements partent du principe que Dieu est la cause de l’univers. Vous avez alors le choix entre élargir votre logique ou rester dans le cadre, car vous ne pouvez pas la nier. Et personne ne peut savoir si vous devez le faire ou pas. La théorie de la relativité est issue d’une logique qui part du principe de l’existence de Dieu (ce que Einstein ne niait pas) et c’est ce qui amène ses limites. D’ailleurs elle ne sert à rien, si ce n’est à remettre les horloges des satellites à l’heure et à justifier la création divine de l’univers au travers du Big Bang qui restera à jamais une hypothèse indémontrable, tout comme le premier moteur d’Aristote ou le Dieu de Spinoza. Alors que la mécanique quantique qui nous permet de communiquer par le biais d’ordinateurs et d’Internet, a étendu cette logique: elle ne nie pas Dieu, elle ne l’élude pas, elle cherche implicitement ce qu’il est, ce qu’est l’existence d’une chose.

      Alors si c’est l’homme qui a créé les choses, si vous arrivez à raisonner ainsi, vous verrez ce joli conte (https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjh3KDsnLLcAhWBKFAKHTMBCVMQFjAAegQIBhAC&url=http%3A%2F%2Fwww.liceogalvani.it%2Fdownload_file.php%3Fid%3D6627&usg=AOvVaw3zKS330Fsne4-VrCVL9qi-) d’une autre façon. Il fut écrit il y a 6000 ans à une époque où l’homme n’avait pas créé certaines choses, je pense à l’avoir qui est le fondement de nos sociétés. En le lisant il est alors possible de penser que l’avoir est une création divine, que ces hommes avaient des choses sans le savoir, ou alors d’essayer de faire abstraction de la connaissance de l’avoir pour comprendre comment ces gens pouvaient penser et vivre, de la même façon que T. Hall tente de nous faire comprendre comment les sioux peuvent appréhender un temps qui n’est pas séquentiel. Un monde où l’avoir n’existe pas, cela signifie que nous ne pouvons qu’être. Vous n’avez pas une voiture, vous êtes votre voiture, personne ne peut vous la prendre car c’est une atteinte à votre être. L’avoir était latent il y a 6000 ans, il ne l’était plus 2000 ans plus tard. Pourtant, les gens étaient encore des êtres pas de simples possesseurs de choses. Lorsqu’un roi se faisait inhumer c’était son être qu’il fallait inhumer, les objets qu’il utilisait, les gens qui le servaient… Nous l’interprétons en disant que c’était stupide, parce que nous connaissons l’avoir, alors que dans le même temps nous ne sommes plus, nous passons notre vie à chercher notre être à l’intérieur de nous-même, alors que nous l’avons vendu pour quelques sous. Nous ne sommes pas la honte, nous avons honte. Nous avons vendu notre honorabilité pour quelques sous. Vous dites que des psychologues peuvent nous en consoler, je dis que nous pourrions nous en prémunir, car éliminer la honte est sans doute impossible.

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  6. Qu’est-ce que vous cherchez à faire Hervé ? À me convertir à votre doctrine ? Avez-vous vraiment cette prétention? Croyez-vous vraiment détenir la Vérité avec un grand « V » ?

    Vous critiquez la croyance aux mots mais en même temps, vous semblez beaucoup croire aux vôtres. Je ne sais trop que penser de cette contradiction.

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    1. C’est sans doute un peu cela. J’essaye de vous montrez que vous raisonnez au sein d’une doctrine qui ne gêne que moi, car c’est celle de tout le monde (apparemment). Ce n’est même pas votre doctrine qui m’ennuie, mais que vous puissiez pensez que cela n’en ait pas une. Je détiens la Vérité si l’on peut dire, mais ce n’est qu’une vérité comme une autre, la réponse à pourquoi, la clef des autres vérités, et je n’ai pas la réponse qui permet de savoir s’il faut y adhérer ou pas, car personne ne l’a. Je ne cherche que ceux qui le voudraient. Cela me permettrait peut-être de trouver un moyen de la formuler, car pour l’instant ce que je dis s’apparente, comme ce que vous dites, à des opinions. Je ne sais moi-même pas trop quoi penser de cette contradiction.

      Mais peut-être aussi je ne cherche même pas à vous convertir. Je réfléchis et j’utilise vos posts pour cela. Je ne sais pourquoi, je cherchais ce qu’est le pouvoir, pourquoi il est, car j’avais trouvé le moyen de sortir de la dichotomie Kantienne qui me bloquait, m’empêcher d’être intelligible en parlant de l’inconnu. Cette réponse que j’ai faite m’a permis de trouver la façon de l’exprimer. Ou peut-être je sais pourquoi je cherche cela, car je suis un enfant de l’après deuxième guerre mondiale, « du plus jamais ça », alors que je sais qu’il reviendra avec « une vengeance », je ne sais pas quand. Il en résulte que ce « plus jamais ça » m’exaspère, car il me confronte à la profondeur de la bêtise humaine. Je crois que peu m’importe, mais peut-être pas. De toutes les façons, si ce n’est moi, d’autres le trouveront, car la réponse est hors de nous, n’importe qui peut la trouver. Il suffit d’arrêter de croire qu’elle n’existe pas. Cela peut vous sembler hors sujet (de votre post), pourtant cela signifie aussi que vous pourriez savoir ce qu’est la honte…

      Votre réponse me montre que cela ne vous intéresse pas de savoir. C’est ce que je remarque chez des gens plus… « basiques » (je ne trouve pas de mot) que vous. Ils ont peur de perdre des croyances qu’ils n’ont pas, ce qui signifie peut-être qu’ils ont peur de connaître leurs croyances, celles qu’ils ne peuvent pas connaître. Je n’ai pas peur de perdre les miennes, mais personne ne cherche à me les faire connaître…

      J’en tiendrai compte dans mes prochains commentaires. Je vous remercie.

      PS : Si vous voulez comprendre le surmoi, je pense que le livre de T. Hall vous sera plus utile que celui que vous m’aviez conseillé.

      PS : J’ai compris ce post sur la honte. Pourtant en réfléchissant, je me rend compte que je n’ai jamais eu honte. Quand ma braguette est ouverte, je la referme :-). Les problèmes des autres ne me font pas rire… Vous ne m’avez pas fait rire. Le rire est un sujet intéressant.

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    2. J’avais oublié le quiproquo classique. La vérité n’est pas plus une chose indépendante de l’homme que les autres choses… Lorsque vous doutez que nous puissions la connaître, vous prenez comme postulat qu’elle a été créée par un Dieu (ou une chose) qui ne serait pas humain. En refusant de la chercher, vous mettez en avant votre croyance en Dieu (votre surmoi)… la vérité est humaine, comme les autres choses. Son importance absolue est la même que celle des autres choses, aucune.

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  7. Et pour changer de sujet. Comme je n’ai pas appris les comportements relatifs à la honte (je pense les connaître parce que j’ai lu des livres anciens qui en parlaient), je me suis demandé si c’était personnel. Et, je ne me souviens pas avoir rencontré quelqu’un qui les avait appris. Alors, je me demande si c’est culturel… Cela ne m’avait pas marqué en vous lisant, car nous utilisons encore le mot, mais cela n’a plus qu’un sens figuré. Est-ce que la honte n’est pas la soumission à l’Autorité ? Les Français n’ont pas de respect pour l’Autorité, il respecte les lois pour ne pas être puni, pas parce qu’ils la respecte, de même que les grecs, les italiens, les espagnols. Ce n’est pas le cas de l’Allemagne, bien que je ne connaisse pas bien, et ce n’est pas le cas des anglais qui respectent la loi. Il me semble que les canadiens sont ainsi, ils respectent la loi, ce n’est pas la crainte de se faire punir, je me trompe? Cela semble également signifier qu’ils ont une conscience, il est mal de ne pas fermer sa braguette, alors que ce n’est pas trop le cas pour nombre de français (ce que pense son voisin l’indiffère). Il serait intéressant de savoir où et comment vous avez appris ces comportements, à l’école, par vos parents, dans la rue… et dans quelles circonstances.

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