Qu’est-ce que le Dompteur de mots ?
Un blogue de philosophie.
Était-ce nécessaire ?
Je ne sais pas. J’ai toujours eu ça en moi, ce besoin d’écriture et de pensée. Je me suis dit: « essayons de donner une forme à toutes ces névroses ! » J’essaie de ne pas trop publier de déchets.
Alors, c’est une collection de vos opinions ?
Non. C’est de la philosophie. La philosophie réfléchit. L’opinion dé-réfléchit. L’opinion, c’est bon à brouter, c’est bon pour les vaches. Un homme digne de ce nom aspire à réfléchir.
Vous êtes bien hautain !
Non, exigeant. J’aime être exigeant. Nous avons le droit d’être exigeants. Nous devons l’être. C’est cela être un homme.
Pourquoi vous accorderais-je quelque crédibilité que ce soit ?
Sans vous offenser, je n’ai pas besoin que vous me l’accordiez.
Avez-vous fait des études en philosophie ?
Oui. Je connais la manière universitaire et je m’y entends bien, mais ce n’est pas ce qui m’intéresse, bien que je n’aie rien contre.
Qu’est-ce qui vous intéresse ?
J’aime une philosophie vivante, qui ne craint pas de sortir d’une stricte dialectique, qui ne craint pas de capter un certain élément poétique, qui sait garder un certain mystère, qui ne rechigne pas à sortir de sa confortable idéalité pour venir se frotter au chaos des choses d’ici-bas.
Ah ! Vous prônez une philosophie terre-à-terre, proche des gens ?
À vrai dire, je ne crois pas vraiment en une quelconque « démocratisation » de la philosophie. Ce serait comme démocratiser une exigence – c’est-à-dire en extraire sa substance d’exigence, ce qui est foncièrement idiot. Disons que vous ne me verrez pas ici en train de discuter de la lecture heideggerienne du Logos héraclitéen, ou de l’appréhension de la thèse cartésienne de la glande pinéale chez Spinoza. Peut-être ces sujets peuvent-ils être intéressants aux yeux des historiens de la philosophie, ou chez les gardiens du savoir philosophique ? Je ne crois pas pour autant qu’il soit nécessaire d’en passer par là pour philosopher. Peut-être en fait que je ne tiens pas particulièrement à m’étendre sur ce que les grands philosophes ont dit.
N’êtes-vous pas malgré tout tributaire de ce qu’ils ont dit ?
Bien sûr que oui. Et je leur en suis reconnaissant. J’affirmerai aussi que lorsque je lis de la philosophie, je le fais avec le plus grand sérieux, et avec beaucoup d’amour. Je rends d’ailleurs hommage, ici et là, à ceux qui m’inspirent le plus. Mais malgré tout, je ne veux pas me limiter à dialectiser mes lectures. J’ai plutôt besoin de me plonger dans l’élément existentiel de ces pensées, dans ce à quoi ils se rapportent aux gênes et aux tourments qui font le sel de ma vie. Forcément, je finis alors par retourner en moi-même, à mon impertinente personne.
Cette attitude n’est-elle pas quelque peu narcissique ?
Probablement. Ne le sommes-nous pas tous ? Mais je suis sûr d’une chose: à savoir que vous ne me verrez jamais, même sous torture, m’étendre ici sur les déboires de ma vie personnelle. Ce qui m’intéresse, ce sont mes gênes et mes tourments dans ce qu’ils ont d’universel.
Vous dites en quelque sorte aimer qu’il y ait quelque chose de personnel dans la philosophie mais vous vous cachez tout de même derrière un pseudonyme.
Une philosophie personnelle… et universelle, comme je viens de le dire. J’aspire à faire s’approcher ces deux pôles inverses de la pensée et regarder quel genre de flammèches cela produit. Je ne veux pas que l’aspect personnel prenne une place plus importante qu’il ne le faut. Et puis j’ai droit à mes contradictions.
Pourquoi « Dompteur de mots » ?
« Dompteur de mots » est le nom qui est donné à une espèce de vieil homme qui ressemble plus ou moins à un philosophe dans Léolo, du québécois Jean-Claude Lauzon. J’ai une affection particulière pour ce film.
Vous êtes un vieil homme ?
Ma fille de 3 ans me trouve probablement vieux. Mes aïeux me trouvent jeunes. Je me sens assez jeune.
Pourquoi les images du film There Will Be Blood et celles de Daniel-Day Lewis ?
Parce que j’aime ce film. Parce que le mépris de l’humanité qui habite le personnage me ramène à l’une des composantes de l’esprit philosophique tel que je le conçois. Nietzsche disait que tout discours contient un grain de mépris: ne serait-ce que dans cette façon qu’a celui qui parle de se vulgariser. Et puis il faut une dose de mépris ou de cruauté pour se sortir du brouhaha des affaires humaines afin de les réfléchir. Philosopher, réfléchir sa vie, c’est dire « cette humanité ne me satisfait pas ».
Ah ! J’avais donc raison: vous êtes hautain !
L’être réellement hautain, c’est celui qui n’est pas capable d’écrire ou de penser ce que je viens d’écrire, parce que cela signifie qu’il n’en est pas conscient.
Cette présentation sous forme de questions-réponses n’est-elle pas un peu cliché ?
Tout est cliché. Cette présentation est cliché. L’idée d’un blogue est cliché. La philosophie est cliché. Les images qui ornent ce blog sont cliché. Surfer sur le web est cliché. La société est cliché. Le monde est une autoroute tapissée de clichés. Même le langage est cliché. Même ce propos sur les clichés est cliché. Il n’y a que les moments indicibles qui ne le sont pas. L’indicible moment poétique qui se glisse parfois dans les interstices de l’autoroute des clichés poétiques. Ou l’indicible moment philosophique qui se glisse dans les interstices de l’autoroute des clichés philosophiques.
Vous êtes un peu déprimant.
Et pourtant, je veux exactement la même chose que vous. Seulement, je pousse la logique un peu plus loin.
Voilà qui est prétentieux !
Ma fille m’embarque souvent dans d’interminables séries de « pourquoi ». « Pourquoi on est sur le trottoir ? » « Parce que sinon, les voitures pourraient nous écraser et nous faire mal. » « Pourquoi elles pourraient nous écraser et nous faire mal ? » « Parce qu’elles sont très dures et très lourdes et que nous, on est très mous et très légers. » « Pourquoi on est mous et légers ? » « Parce que c’est plus facile de vivre quand on est mous et légers. » « Pourquoi c’est plus facile de vivre quand on est mous et légers ? » « Parce que c’est plus facile de s’adapter. » « Pourquoi il faut s’adapter ? » Voilà: elle pose toujours ce « pourquoi » de trop auquel on ne peut pas répondre simplement et qui nécessite que l’on y revienne de temps à autre de manière à ajouter à l’édifice. Et bien la philosophie tient précisément à cela: poser un « pourquoi » de trop, pousser la logique un peu trop loin. Or, je ne trouve pas que ma fille est prétentieuse de poser un « pourquoi » de trop. Au contraire.
Un mot de la fin ?
Consubstantialité.
Ah! Une dernière chose: si votre blogue me plaît, est-ce que je peux vous envoyer de l’argent ?
Bien sûr. Contactez-moi et nous établirons les modalités de la transaction.