Lorsque dans le cristal de la nuit nous regardons les étoiles, elles peuvent facilement nous apparaître, de la distance infinie où elles se trouvent, terriblement froides. Isolées dans leur océan ténébreux, elles ont en effet l’allure de petites billes de glace qui ne font que refléter la lumière de quelque mystérieuse lune lointaine.
Les étoiles me font penser aux philosophes. Ne les considérons-nous pas parfois comme des êtres froids, parce qu’au lieu de se dandiner malicieusement sous le soleil avec les autres, ils recherchent la compagnie des concepts et des abstractions ? Parce qu’au lieu de s’échauffer dans les arènes de la vie publique, ils préfèrent égrener doucement les secondes, les minutes, les heures qui passent, en laissant osciller le pendule de leur pensée ? Parce qu’au lieu de bercer et de se laisser bercer par la douceur des idées communes et des mots familiers, il préfèrent lancer des sentences qui tranchent l’air et ouvrir de nouveaux chemins à l’allure inquiétante ?
Mais dans les ceux cas – autant celui des étoiles que celui des philosophes, c’est uniquement la distance qui les sépare de nous, et l’irréalité qui émane de cette distance qui les rendent froids à nos yeux. De la même façon que les étoiles sont en fait de monstrueuses boules de feu, le philosophe n’est jamais qu’un brasier humain: le moindre des phénomènes le saisit d’un fulgurant étonnement, la moindre des paroles provoque des tornades dans sa mémoire et des ouragans dans ses souvenirs, et son esprit est un destrier qui a le diable aux sabots et dont il a peine à contenir l’ardeur.