Vertu de la musique triste

Vertu de la musique triste

L’on aurait beau composer la musique la plus triste qui soit, elle n’en serait pas moins indécrottablement porteuse d’espoir, puisque toutes les musiques ne consistent jamais qu’en un effort de traduction des mouvements de l’âme humaine sous une forme esthétique, en vue de communiquer ces mouvements en les magnifiant. Or, un effort pour aller vers les autres, pour se communiquer aux autres présuppose nécessairement une certaine dose d’espoir, ne fût-ce que sous la forme la plus tordue.

Lire la suite « Vertu de la musique triste »

La fin du grand rêve

La fin du grand rêve

J’ai toujours été fasciné par la progression étonnamment rapide de la carrière de John Lennon. Que l’on y songe: en 1965, il n’est encore qu’une espèce de Backstreet Boy de luxe dont la principale fonction est de faire frémir les jeunes minettes à la sexualité encore recouverte du manteau oppressant de la religion. À peine deux années plus tard, en 1967, il devient l’un des grands prêtres idéalistes de la vague hippie en proclamant, un joint à la main, et quelques amphétamines dans le corps, le pouvoir rédempteur de l’amour et de la paix sur terre. Trois petites années passent encore et cette fois, le Lennon nouveau crie sa désillusion la plus complète à l’égard des idées grandioses des années soixante. Lire la suite « La fin du grand rêve »

Pourquoi écrire des poèmes d’amour ?

Pourquoi écrire des poèmes d’amour ?

Il semble parfois inconvenant de dire « je t’aime » selon les usages admis, normalisés, stéréotypés de ce mot et de toutes les expressions qui s’y rapportent. En fait, il semble parfois inconvenant de signifier que l’on aime, point barre. Pourquoi? Parce qu’il y a, dans l’expression « je t’aime » quelque chose qui relève de l’utilité, de l’économie du couple; quelque chose qui tire la communion amoureuse vers sa nature industrieuse. La pleine intimité de la communication amoureuse y est sacrifiée au nom de l’efficacité. Lire la suite « Pourquoi écrire des poèmes d’amour ? »

Bagatelle #3: Le poète

Bagatelle #3: Le poète

Le poète ? Il n’est pas un révélateur de paradoxes comme peut l’être le philosophe. Il est le paradoxe. Il s’engouffre dans cette plaie et se laisse couler jusqu’au revers de la toile langagière qui recouvre le monde. De cette position, il a tout le loisir de se jouer des mots, de les subvertir comme cela lui chante, de les détourner de leur fonction originelle, de les extirper du règne auquel ils sont dédiés: celui de l’utilité. La poésie est toujours une affaire de rébellion. Lire la suite « Bagatelle #3: Le poète »

Bagatelle #2: Le monde et le dire

Bagatelle #2: Le monde et le dire

Si le monde est recouvert par une toile langagière, alors qu’est-ce que ce monde dont je parle sinon l’une des fibres de cette toile ? Et dans ce cas, y’a-t-il réellement un monde qui se trouve en-dessous, ou ne parlons-nous jamais de quelque chose dont nous n’avons aucune idée ? Tout n’est-il qu’un jeu d’apparences comme le supposait Nietzsche ?

Lorsque le poète nous susurre ces mots: dit tout sans rien dire, de quel dire parle-t-il ? Chose certaine, il disqualifie d’emblée ce que nous entendons habituellement par dire, soit de désigner selon une cohérence logique. Cela signifie donc qu’il y a un sens plus fondamental au verbe dire, qui doit recouvrir à la fois ses acceptations logiques et poétiques. Lire la suite « Bagatelle #2: Le monde et le dire »

Dompteur à la recherche de l’intériorité perdue

Dompteur à la recherche de l’intériorité perdue

« Guérir son enfant intérieur. » « Se plonger dans un dialogue intérieur. » « Se connecter à son être intérieur. » « Combler son vide intérieur. » « Retrouver la paix intérieure. » « Rassembler les conditions de la guérison intérieure. » « Laisser renaître l’enfant intérieur. » « Opérer avec l’ego intérieur. » « Libérer le hamster intérieur. » « Trouver la paix intérieure. » « Rencontrer son chamane intérieur. » « Sortir du labyrinthe intérieur. » « Réveiller le bébé intérieur. » « Entrer en relation avec son parent intérieur. » « Écouter son monde intérieur. » « Découvrir son âge intérieur. » « Pourrir de l’intérieur. » « Maîtriser l’ennemi intérieur. » « Se réconcilier avec son enfant intérieur. » « Bâtir le couple intérieur. » « Voyager dans l’espace intérieur. » « Entrer dans la lumière du Dieu intérieur. » Lire la suite « Dompteur à la recherche de l’intériorité perdue »

Papa, où je serai quand je vais être morte ?

Papa, où je serai quand je vais être morte ?

Il y a quelque temps, de haut de ses trois ans et demi, Mini-Dompteuse m’a posé une question plutôt friponne: « Papa, où je serai quand je vais être morte ? » Quel ne fut pas mon étonnement ! Il faut ici que le lecteur s’imagine ces mots prononcés avec la douceur infinie d’une voix d’enfant, réduite à un petit filet mignon par la solennité du moment. Que l’on me croit sur parole: c’est quelque chose qui va droit à l’âme. La question était trop importante pour m’avancer sans réfléchir; j’ai donc d’abord affirmé, plutôt évasivement, qu’il s’agit d’un grand mystère et qu’à tout le moins, nous pouvons penser que nous demeurons dans les souvenirs des personnes qui nous ont aimé. La réponse était bien entendu insuffisante; elle le savait, je le savais, mais nous avons néanmoins convenu tacitement d’en rester là… jusqu’à la prochaine fois ! Lire la suite « Papa, où je serai quand je vais être morte ? »