Pour ceux et celles qui ne l’ont pas encore réalisé, j’annonce que les jours de notre civilisation sont comptés. Ou du moins, que les jours de notre paradigme actuel quant à la façon d’habiter le monde – soit la façon moderne, qui consiste à viser un perpétuel accroissement de notre arsenal d’objets – sont comptés. Je ne ferai pas la démonstration de cette annonce dans la mesure où les preuves affluent un peu partout des multiples organismes scientifiques de la planète et qu’elles sont éminemment faciles à trouver sur le Web. Qu’il nous suffise ici de rappeler que les ressources énergétique de la planète sont en train de s’épuiser et que le climat se réchauffe à vitesse grand « V ». Pour ces deux raisons, c’est un fait indisputable que le système Terre ne pourra pas soutenir encore très longtemps l’état actuel des choses.
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Chroniques de la vie mutilée #4: Comment se planter en beauté
C’est certainement l’une des propensions les plus grossières et les plus ordinaires de l’homme que de révérer le succès, de n’apercevoir la vertu que dans ce qui réussit, de confondre le rang et l’esprit. Et cela pour la bonne raison que cette révérence ne demande aucun effort particulier, l’âme fragile ployant naturellement devant le cours des choses. Mais quant à s’aiguiser quotidiennement le regard afin de persister à déceler le juste dans ce qui est humilié et écrasé, et à prendre des risques en faveur de cette autre vertu, quitte à se planter en beauté, il faut pour cela une âme et des cojones d’acier.
Mammouth et fier de l’être
Quand j’étais petit, c’est-à-dire il y a quelques millions d’années, mes semblables et moi écoutions de la musique principalement à partir de bobines de ruban magnétique fixées sur un support de plastique que nous appelions cassette audio. C’était un horrible support car le ruban se tordait constamment, se déchirait ou se déroulait et il fallait alors l’enrouler de nouveau manuellement. Pourtant, c’est un support qui nous rendait heureux et qui était, de notre point de vue, la réalisation même du progrès. D’ailleurs, beaucoup d’individus de mon âge ont connu l’incommensurable fierté de se promener dans la rue avec, à la ceinture, un rutilant walkman Sony Sports jaune. Lire la suite « Mammouth et fier de l’être »
Citation de la semaine: Josie Appleton
[…] le problème n’est pas tellement l’éthique consumériste en tant que telle, mais le fait qu’elle est devenue – par défaut – une des dernières expériences significatives de notre existence. Il y a dans le fait d’acheter un nouveau produit, une nouvelle chemise ou un nouveau disque, et de les rapporter chez soi, une tangibilité et une satisfaction qui impliquent que le shopping devient pour les individus une confirmation de leur capacité de produire des effets dans le monde.
– The Cultural Contradictions of Consumerism
Posologie de l’espoir
L’espoir est la survivance de la rage d’agir au-delà de l’impuissance. Lorsque le désir qui habite un homme a des aboutissants qui ne sont plus à sa portée, il ne lui reste plus qu’à espérer, c’est-à-dire à propulser ce qui lui reste de rage d’agir dans les hauteurs, comme on jette une bouteille à la mer, comme on couche les mots sur une feuille de papier: pour les autres, pour que l’élément de sa propre pensée leur devienne accessible et qu’ils puissent participer à son impossible édification; ou alors pour soi-même, pour se délester un moment, le temps de laisser mûrir le fruit inaccessible, le temps d’accumuler des forces fraîches et de revenir, porté par un élan nouveau. Il est par conséquent inexact d’affirmer, à l’instar d’Albert Camus, que le fait d’espérer constitue une sorte de résignation. Lire la suite « Posologie de l’espoir »
Résolution nocturne #4
Tu n’es que brique et comme tel, tu ne vaux que solidaire à tes semblables, unis à eux par le mortier du langage. Seul, tu n’es qu’un matériau égaré. Solitaire, tu dois trouver la façon de faire retour vers les autres.
(Merci à G. B.)
La Reine Éthique
Il est frappant de constater à quel point la tâche qui consiste à définir ce qu’est la philosophie peut occuper les philosophes et leurs donner de grands maux de tête. Tous les plus grands penseurs de l’histoire s’y sont essayés: Platon, Aristote, Kant, Nietzsche, Hegel – nommez-les ! Gilles Deleuze prenait ce problème tant au sérieux qu’il a attendu jusqu’à la fin de sa vie avant d’écrire un ouvrage complet entièrement consacré à cette question. Il est également assez remarquable de constater qu’il y a sans doute autant de définitions de la philosophie qu’il y a de philosophes. Lire la suite « La Reine Éthique »
Attentat contre un pronom interrogatif
Je me souviens encore de la première fois que ça m’est arrivé. J’avais douze ou treize ans et, par une douce soirée de fin de septembre, assis dans l’entrée de la maison familiale avec une amie, j’observais attentivement le ciel. C’était une soirée particulièrement claire et magnifiquement étoilée ; je suppose que l’on pourrait dire que c’était le genre de soirée qui dispose l’esprit aux rêveries. Je ne sais pas ce qui m’a pris ce soir-là mais tout à coup, la noire opacité de la nuit ne m’a plus satisfaite, et mon regard ne voulait plus s’y arrêter. Les astres, gracieusement arrangés et la traînée phosphorescente de la voie lactée pouvaient bien faire les belles : elles ne me distrayaient plus du spectacle troublant de la noirceur infinie dans laquelle elles se noyaient toutes deux. Lire la suite « Attentat contre un pronom interrogatif »