J’ai récemment décidé de réaliser un rêve que je caressais depuis longtemps et qui paraîtra peut-être saugrenu au lecteur ayant atterri ici dans l’espoir de se frotter à quelque travail philosophique « sérieux », à savoir de lire l’Ancien Testament. C’est une envie qui s’est progressivement installée dans le fond de ma cervelle avec les années, à force de me frotter à toutes sortes de références à ce vénérable ouvrage. Les philosophes parlent en effet souvent de l’Ancien Testament dans leurs dissertations et avec raison, dans la mesure où toute la culture occidentale est fortement imprégnée de la pensée chrétienne et donc de l’esprit de ce grand livre.
C’est le cas par exemple de l’un de mes chouchous, l’illustre Kierkegaard, dont l’un des ouvrages, Crainte et Tremblement, est carrément élaboré à partir d’une scène de l’Ancien Testament, en l’occurrence celle du sacrifice avorté d’Isaac par son père Abraham. Il faut dire que la lecture de la Bible constituait un passage obligé pour tout homme savant des siècles précédents, puisque le christianisme régnait alors sur toutes les sphères de la société. Mieux: le respect de l’esprit de la Bible était de mise, sous peine d’être rejeté par la communauté – ce qui arriva d’ailleurs précisément au bon vieux Baruch Spinoza. Cela est sans compter sur le fait que plusieurs philosophes importants de l’histoire étaient de fervents chrétiens et que leur œuvre est indissociablement liée à la théologie – je pense par exemple à Saint Augustin ou à Saint Thomas d’Aquin. Bref, le philosophe se doit certainement de comprendre les racines de sa pensée afin de saisir où celle-ci l’emmène aujourd’hui et pour pressentir où elle risque de l’emmener demain.

En même temps, ma curiosité n’est pas strictement historique ou littéraire et je ne souhaite pas faire simple œuvre d’érudition. Mon désir est plutôt d’y aller d’une lecture sincère de cet ouvrage, et dénuée de préjugés, en cherchant à le comprendre sous l’angle de sa vocation proprement spirituelle. Comme le lecteur de ce blogue aura déjà pu le sentir, j’ai un intérêt certain pour la chose spirituelle. Que l’on se rassure: je ne collectionne pas les pierres d’énergie et je ne me délecte pas des mouvements astrologiques du cosmos. Seulement, ma recherche philosophique m’a toujours amené à tenter de cerner ce que peut être exactement la spiritualité et comment une vie peut être vécue spirituellement sans pour autant devoir trahir la liberté philosophique – qui n’est jamais que la liberté de penser par soi-même. Je pense en effet que c’est un aspect de la vie humaine qui a été complètement évacué par le mode de vie moderne, ou plutôt postmoderne, et que cela nous fait cruellement défaut. Mieux: avec les grands bouleversements qui s’en viennent dans la foulée de la crise écologique, et la fin annoncée de cette vie que nous connaissons, je crois que nous allons être forcés de redécouvrir notre nature spirituelle (c’est un thème que je développerai sans doute en d’autres temps).
Parallèlement à ma lecture de l’Ancien Testament, j’ai décidé de tenter l’expérience de rendre compte au lecteur, par le moyen de ce blogue, des réflexions que cette lecture provoquera. Je ne sais trop encore quel genre de résultat cela pourra donner et si le contenu sera purement philosophique à proprement parler. De toute façon, il me semble que j’ai déjà tendance à déborder du côté de la poésie, à préférer évoquer des idées et à les exposer de façon oblique plutôt qu’à dérouler des argumentations systématiques. En langage savant, l’on dirait sans doute que je louche du côté de la philosophie continentale plutôt que celui de la philosophie analytique1. Cela est ma façon d’être et de penser; aussi vais-je immanquablement poursuivre dans cette voie.
Je n’entends toutefois pas verser le moins du monde dans la théologie, c’est-à-dire dans l’interprétation des Écritures sous la perspective du dogme chrétien. Dans tous les cas, il m’importe surtout que l’expérience soit riche et intéressante. Pour cette raison, je partirai logiquement du postulat que la Bible est un livre riche et intéressant et je mettrai de côté tout le catéchisme athée et nietzschéen que j’ai pu apprendre avec les années. Ayant en effet atteint, je crois, un certain niveau de maturité intérieure, c’est quelque chose que je puis me permettre.
Je précise enfin que j’utiliserai pour cette expérience la traduction de l’Ancien Testament d’Édouard Dhorme, aux Éditions de la Pléiade. Que voulez-vous: je suis, en matière de livres, une véritable poule de luxe.

Cette magnifique édition a l’avantage de répondre à l’ensemble des critères que je m’étais fixés afin d’acheter la bonne traduction, à savoir: fidélité au texte hébreu original (ou plutôt à la multiplicité des sources originale retrouvées en hébreu et en grec), beauté littéraire, présence d’un appareil critique permettant d’apprécier les subtilités de la traduction et surtout, l’absence de toute interprétation confessionnelle du texte. En effet, il m’apparaît que la condition la plus importante pour arriver à une lecture sincère – non seulement d’un ouvrage comme l’Ancien Testament mais à plus forte raison pour n’importe quel livre qui s’inscrit dans le cadre d’une quête philo-existentielle, est de s’y investir d’une façon personnelle, avec sa tête et ses tripes, et d’y mettre sa conscience en jeu à chaque fois.
1 Si l’on résume grossièrement, la philosophie analytique, clairement dominante dans les milieux universitaires, cherche à résoudre les problèmes philosophiques en prenant appui une méthode scientifico-logique. Elle est largement issue de la tradition britannique. On peut y associer des penseurs tels que Husserl, Wittgenstein, Locke, Russel, Hume, Rawls, etc. Quand à la philosophie continentale, elle cherche plutôt à embrasser le questionnement en lui-même, à ouvrir la pensée, à comprendre ce qu’est l’expérience de vivre. On peut y associer des penseurs tels que Nietzsche, Kierkegaard, Bergson, Hegel, Heidegger, etc. Pour creuser le sujet, voir notamment l’essai « La fin de la pensée ? Philosophie analytique contre philosophie continentale » de Babette Babich.
Illustration: Solitude, John Martin.
J’avais voulu lire l’ancien testament à une époque. Je ne le ferais sans doute jamais, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire. L’ontogénèse retrace la phylogénèse. Aussi, il faut remonter très loin pour retrouver les fondements de la pensée humaine. L’ancien testament semble donc être une piste. Sauf qu’il y a plus de difficulté à retracer la phylogénèse que sa propre ontogénèse, puisque nous retraçons la phylogénèse par l’ontogénèse des autres. Or, ce que nous cherchons, lorsque nous cherchons quelque chose, c’est pourquoi nous sommes différents. Et cela, nous ne pouvons le savoir que lorsque nous avons trouvé des gens qui nous ressemblent. La question pourrait alors être qu’a vécu cette personne qui fait qu’elle me ressemble (qu’elle pense comme moi). J’ai alors dû vivre la même chose ou quelque chose de similaire. Il devient alors possible d’arrêter de penser, par là-même la recherche philosophique s’arrête, pas parce que nous avons toutes les réponses, mais parce que nous savons alors qu’il n’y a rien à chercher. Les réponses étaient là devant nous et nous ne les voyions pas, nous ne regardions pas, nous pensions.
La base de la philosophie est l’être. La question n’est pas qu’est-ce que l’être, mais pourquoi il y a l’être, pourquoi est-ce que les premiers philosophes se posaient cette question, par là-même pourquoi nous nous la posons ou que nous faisons comme s’il n’y avait pas de réponse. Or, là nous avons un problème. Tout le monde le pense, tout au moins de nos jours, sauf les enfants (jusqu’à quel âge ?). Nous ne devrions pas nous poser cette question, alors pourquoi Aristote se la posait et avant lui Parménide? Qu’a vécu Parménide que j’aurai pu vivre? Qu’ai-je vécu étant enfant qui m’a fait me poser cette question que plus personne ne se pose? Que m’ont dit mes parents que les autres parents n’ont pas dit à leurs enfants? Je sais cela, j’en ai le souvenir. Parménide avait sans doute ce souvenir puisqu’il était né à Velia. Pourtant cela l’a conduit à créer la philosophie (peut-être) alors que cela m’a conduit à la déconstruire, La différence est significative. Parménide baignait dans la spiritualité, celle des dieux de son époque, alors que mes parents n’avaient aucune spiritualité. Il pouvait créer les bases de la pensée, alors que je ne pouvais que les déconstruire, dans le même sens où Wittgenstein a cherché à déconstruire la philosophie. Descartes nous apprend à penser, par là-même à douter, alors que Wittgenstein nous apprend à « dépenser » (pas à dépenser de l’argent, mais à ne plus penser, par là-même je pourrais dire à vivre).
Alors, que devient le problème avec l’ancien testament? Et bien, c’est que ce texte est bien moins ancien que l’on a essayé de nous le faire croire. Ce n’est pas le fondement de la pensée, mais une évolution. Aussi, il n’y aura pas la réponse que je cherchais. Je sais que je vais m’y perdre. Pour comprendre l’ancien testament, il faut être terriblement instruit, savoir comment les gens vivaient à cette époque, ce qu’ils pensaient. Ainsi, peut-on parler de la résurrection de Jésus (le nouveau testament), sans savoir qu’un « roi » devait mourir (symboliquement, s’il devait être roi pendant une nouvelle période, ou physiquement s’il donnait sa place à un autre, tel que son fils) pour régner à nouveau? Jésus devait mourir pour régner sur le monde Chrétien. Ce n’est pas un miracle, ni du symbolisme, c’est devenu symbolique.
Je suis bien long pour expliquer quelque chose que personne ne comprendra.
Je voulais surtout vous introduire cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=meMHNWdd0Sw
Elle est longue mais pourrait vous aider à comprendre l’ancien testament en le situant à son époque. Elle laisse quelque peu sur sa faim, car il ne répond que partiellement aux questions que l’on pourrait se poser (tout au moins que je me serais posé si j’avais voulu le lire) sur l’origine de ce texte. Cependant, il fournit à mon avis les éléments indispensables qui peuvent éviter de se fourvoyer.
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Bonjour Hervé ! J’espère que vous et le soleil de la Grèce allez bien !
Sachez que je ne crois pas le moins du monde que la Bible soit LE fondement de la pensée. Je pense comme vous que ce n’en est qu’une partie – mais il s’agit à tout le moins d’une partie importante. Pour ce qui est de l’origine et de la signification, il est parfaitement inutile de s’y lancer avec la prétention d’en faire une exégèse exhaustive. Des milliers de spécialistes y ont dédié leur vie sans jamais arriver au bout de leur peine. Je crois bien que cela ne se terminera jamais. Quant à la vidéo que vous m’avez suggérée, je comprends qu’il s’agit d’une théorie certes intéressante sur l’origine du bouquin mais à ce jour assez marginale, et je n’ai pas la connaissance pour me prononcer sur ce qu’elle vaut. Je pense que l’essentiel est de comprendre que la Bible a été rédigée par plusieurs mains et que l’origine des histoires qu’elle contient est très variée. Il s’agit véritablement d’un recueil de savoirs mythologiques mais aussi historiques, géographiques, ethnologiques, etc. Sinon, j’essaie véritablement de me laisser aller aux pensées qui me viennent à la lecture du texte sans trop chercher à adopter quelque posture que ce soit. Je suis curieux de voir ce qui de ce texte résonne ici et maintenant.
Est-il exact que vous ayez une approche analytique de la philosophie ? (J’ai distingués les approches analytiques et continentales dans la 2e note de bas de page du présent article.) Cela faisait longtemps que je cherchais à comprendre notre différence et lorsque je suis tombé sur le texte de Mme. Babich, il me semblait que cela recoupait bien ce qui nous distingue. N’attendez-vous pas de la philosophie qu’elle résolve des problèmes ? (Dire que le problème ne se pose pas consiste en quelque sorte en une résolution.)
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Bonjour,
Je suis heureux de lire cette réponse. Je pense que cette vidéo est très sérieuse, disons scientifiquement. Je pense qu’il y a un seul auteur (pour la première version) et qu’il date du IIIème siècle avant 0.
Cela ne change pas grand chose.
Ainsi, j’ai lu un livre que je trouve extraordinaire sur la mythologie grecque. Je suis maintenant convaincu que Zeus ou Hercules sont des personnages « réels », alors que bien-sûr nous n’en avons aucune trace historique. Cela signifie que quelqu’un (un homme ou plusieurs ou peut-être aucun) a fait quelque chose, a un moment donné dans l’histoire humaine, et que des hommes ont eu besoin d’en parler. Ainsi, Zeus était un homme et il est intéressant de savoir « quand » et « quoi », peu importe qu’il soit mythologique.
Il en va de même pour la bible à mon avis. La vidéo dit « quand », ce qui ne change pas grand chose au fait qu’il puisse y avoir plusieurs mains, car elle s’inspire de textes plus anciens écrits par d’autres, et propose un « quoi » qui est discutable. Ainsi, Moises se situe dans un contexte où les grecs cherchent à dominer le monde, Jésus dans un contexte où les romains cherchent à dominer le monde, de même, bien que cela soit devenu un détail de l’histoire, que Dionysos se situe dans un contexte où les grecs buvaient de la bière.
De la même façon que Freud pensait que le complexe d’Œdipe se rejouait en chacun de nous, nous parlons de ces histoires parce que nous n’avons pas résolu le « quoi ». Freud se trompait sur l’impact d’Œdipe, pas sur le fait que nous rejouons quelque chose. Ainsi, si vous buvez de la bière et pas de vin, vous rejouez en vous cette lutte contre Dionysos.
« Je suis curieux de voir ce qui de ce texte résonne ici et maintenant. »
Donc, c’est cela qui est effectivement intéressant. Vous osez le faire et pas moi. Je vous admire et en même temps je pense que ni vous, ni moi n’avons la clef qui permet de le comprendre. Il me semble que la bible est le début dans l’histoire humaine de la guerre entre le bien et le mal, que c’est cela qui devrait résonner. D’une part, je ne suis pas sûr, et d’autre part cette guerre ne m’intéresse pas. C’est un problème personnel, car tout le monde semble impliqué dans cette guerre, sauf moi.
Je crois que je n’ai aucune approche philosophique. Ce qui m’intéressait était de savoir comment fonctionne l’homme et j’étais plus intéressé par des biologistes (Varéla) que par la psychologie qui est, selon moi, une vision superficielle (disons que la biologie serait la cause et la psychologie l’effet). Aristote avait l’approche d’un biologiste. Maintenant, j’ai cette réponse. Aussi, je peux dire que l’idée n’est pas d’inscrire Aristote dans un courant philosophique en supposant qu’aujourd’hui nous en saurions plus que lui. Il ne s’agit pas de savoir ce qu’Aristote ne pouvait pas savoir à son époque, mais ce qu’il ne savait pas et que nous ne savons toujours pas. Nous rejouons en nous son ignorance. Dit autrement, la réponse n’est pas dans le futur où nous pourrions avoir un savoir plus grand, mais dans le passé où nous avons perdu un savoir. Aristote nous raconte l’histoire de se savoir perdu, en parlant de l’être. Or, la réponse n’est pas dans l’être, car il en parle justement parce qu’il ignore ce qu’il ne sait pas, ce qui s’est perdu. Et nous en parlons (tout ce dont nous parlons « est » quelque chose), parce qu’Aristote n’avait pas ce savoir.
Cela signifie que la réponse n’est dans aucun livre. Elle est en nous, dans le sens où elle se trouve quelque part dans nos souvenirs d’enfance. Peut-être ce que vous cherchez est dans ce souvenir où vous étiez sur la plage avec votre frère (je crois que c’était votre frère). J’ai trouvé cette réponse en écoutant quelqu’un que j’aime bien (Albert Jacquard) qui avait un souvenir d’enfance qui « résonnait » en moi. Il avait donc les mêmes interrogations que moi. Ce souvenir est quelque chose de rare, peu y sont confrontés.
Maintenant, je regarde tout le monde se débattre pour des illusions et je ne comprends pas pourquoi. Je crois que cela nous rapproche quelque peu, mais vous arrivez à vivre avec ou parmi ces illusions et pas moi. Je cherche pourquoi personne ne voit que ce sont des illusions, qu’il suffit de les ignorer pour qu’elles disparaissent. Aussi, j’ai cherché ce savoir perdu à l’époque d’Aristote et j’ai trouvé lequel, la clef de tout le savoir d’aujourd’hui, de toutes nos illusions. Cela ne sert à rien.
En effet, je vois autour de moi des armées qui s’affrontent, chacune se battant pour des illusions. Je ne peux pas aller voir chacun des soldats pour le leur dire. Ils ne me croiront pas, car leur problème est avant tout de ne pas se faire tuer. C’est peut-être pour cela qu’Albert Jacquard disait qu’il faudrait un messie. Malheureusement, ce n’est même pas la solution, car le messie est là pour nous faire croire en quelque chose, alors qu’il ne s’agit de ne plus croire. Aussi, je pense qu’il faudrait que je trouve pourquoi cela me préoccupe de voir les gens s’entretuer alors que ce n’est pas mon problème.
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Il n’est pas facile de répondre à vos commentaires Hervé car vous dites beaucoup de choses. J’aurais d’abord des questions:
1) À quoi pensez-vous exactement lorsque vous faites allusion à un savoir perdu dont parle Aristote ?
2) Vous semblez faire référence à un type de souvenir d’enfance précis, lequel renfermerait une réponse ou quelque chose comme cela. Pouvez-vous développer quant au type de souvenir dont il s’agit ?
En ce qui concerne les illusions du monde, je pense en effet que notre posture est différente. Il me semble que vous vous êtes distancé de tout et que vous essayez tant bien que mal de communiquer votre point de vue. Quant à moi, j’accepte en effet de vivre parmi ce monde d’illusion. Avez-vous déjà vu le film Full Metal Jacket de Stanley Kubrick ? Le protagoniste du film, un soldat nommé Private Joker est animé par une attitude très cynique envers le monde militaire qui l’entoure. Il voit que la guerre du Viêt-Nam est une imposture mais en même temps, il ne peut que constater qu’il en fait partie. Malgré tout, il porte à son casque un signe de paix et opère en tant que journaliste de guerre, ce qui lui permet de garder sa distance critique. Éventuellement, il tombe dans cette situation où il est confronté au corps agonisant d’une tireuse de précision vietnamienne. Il doit alors faire le choix de l’achever, certes par compassion mais en confirmant du même coup qu’il n’est finalement qu’un autre soldat dans cette guerre, ou bien en laissant le corps là mais en faisant preuve d’inhumanité pour cette personne souffrante. Je me sens souvent comme ça, partagé entre deux eaux (encore une histoire d’eaux séparées !).
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Je ne me souviens pas avoir vu Full Metal Jaket. L’un de mes films préférés est Docteur Folamour.
Cependant, je comprends ce que vous voulez dire. J’ai vécu cela dans mon travail. L’avantage, par rapport à la guerre, est que nous n’avons pas en face de nous les gens en qui nous faisons preuve d’inhumanité, de la même façon que nous ne voyons pas les enfants morts pour que nous puissions avoir un ordinateur ou un téléphone portable. Je n’ai jamais voulu l’ignorer. Ces enfants morts (pour quoi ?), ne sont pas des illusions. Ce n’est pas une question d’empathie, je ne les connais pas, ni de remords. La question, pour moi, est pourquoi il DOIT en être ainsi. Et le devoir est relatif à des croyances qui ne sont pas les miennes, et dans le cas du téléphone, ce ne sont pas le vôtres non plus.
Je ne sais pas si vous avez longuement réfléchi à cette réponse, mais vous tombez juste. C’est bien cela que je cherche à éviter, cette inhumanité dont nous voudrions, par nos illusions, ne pas être responsables. Cela peut sembler ambitieux, mais maintenant je sais que non, c’est très simple. La question est alors comment vous faire sortir de vos illusions? De quoi avez-vous peur? Qu’est-ce qui bloque? Je vous pose la question à vous, mais c’est la même question pour tout le monde. Mon problème n’est pas que personne n’ait la réponse, mais que tout le monde s’en fout: « OK, j’ai tué un enfant pour avoir un téléphone portable, mais ce n’est faute, je ne peux rien y faire ». J’ai parfois l’impression d’être un extra-terrestre.
Je ne sais pas comment cela se passe au Canada, mais en Europe c’est une catastrophe. Et quelqu’un a fait cette chanson (je n’ai toujours pas la clef de la poésie qui vous tient tant à cœur).
Ce n’est pas la chanson qui m’a le plus marqué, mais l’évolution du poète (le chanteur). Dix ans auparavant, il chantait cela qui est en tous points l’inverse.
Je ne voudrais pas que son nouveau monde s’appuie sur des croyances, des illusions.
Oui, Aristote est une clef, parce que comme la bible, c’est un auteur ancien. C’est étonnant que vous vouliez chercher dans ses souvenirs. Ce qu’ignore Aristote est aussi ce que vous ignorez, car l’ontogénèse retrace la phylogénèse. C’est ce que Freud avait pressenti en parlant du complexe d’Œdipe, mais dans ce cas il s’était trompé. Aussi, le problème est que nous parlons d’un souvenir que nous n’avons pas, ou plutôt qu’Aristote n’a pas. Nous en avons un autre à la place, une agression qui est liée à cette ignorance. Pour ma part, je ne sais pas si j’ai ce souvenir, car j’ai toute ma vie refusé ce « sacrifice, » bien que je l’accomplisse parfois.
La première croyance est le temps. Toutes les croyances en dérivent. Une croyance provient de quelque chose que nous ignorons. Le souvenir est le sacrifice relatif à cette ignorance, tel qu’un réveil matin qui nous contraint à nous réveiller (le sacrifice évoqué précédemment que j’ai refusé). C’est difficile d’expliquer en quelques mots, la chose que nous ignorons: « Chronos était l’homme qui traçait des traits ». Prenez un calendrier, que voyez-vous? Des dates, des événements associés, dont le 25 décembre. Ce que vous ignorez, ce sont les traits, l’emplacement où est noté la date. Il faut un trait pour l’associer à une date. Et la question est qui trace le trait? Est-ce un dieu, Chronos, ou un homme qui pourrait être vous?
Est-ce vous qui décidez que tel jour est le 25 décembre, le jour où il faut fêter le père Noël, ou est-ce que vous le faites parce que quelqu’un vous l’a dit, que quelqu’un vous a fait croire (en vous faisant croire au père Noël) qu’il fallait le fêter? Si c’est un dieu, c’est une obligation, si c’est vous, c’est une possibilité. Croire, c’est seulement croire ce que quelqu’un a dit, à l’époque d’Aristote parce que c’était un dieu, et de nos jours en faisant comme si c’était un dieu (la télévision, un premier ministre, un médecin, un calendrier, etc.)
Aristote ignorait les dieux, mais ne pouvait ignorer chronos (sans la majuscule, le temps en grec). Je ne sais pas si vous pouvez percevoir le problème? Chronos (le temps) est celui qui dit l’heure, qui trace le trait, parce qu’il traçait les traits, des traits que n’importe qui aurait pu tracer. Nous apprenons le temps parce que nous faisons comme si c’était Chronos qui disait l’heure. Vous vous réveillez le matin avec un réveil, parce que c’est quelqu’un qui dit le temps, que vous devez vous réveillez à telle heure, vous ne vous réveillez en regardant l’heure qu’il est (parce que ce serait vous qui diriez le temps) et en appelant votre patron pour dire que vous serez en retard. C’est Chronos qui dit l’heure, et c’est cela le temps (sinon, il n’y a pas le temps, seulement une horloge ou un calendrier). En ignorant les dieux, ce qui a conduit à Dieu (celui de la bible), Aristote nous a légué ses croyances, que les choses « sont » quelque chose, que le temps serait quelque chose, alors que le temps n’est que le trait qu’avait tracé Chronos lorsqu’un nouveau jour se profilait, pour chercher à prévoir un événement. Le souvenir d’Aristote est le même que le vôtre, le jour où quelqu’un vous a contraint (en vous agressant) à être à l’heure, quelles qu’en soient les conséquences (ce qui fait un devoir), c’est-à-dire les sacrifices (agressions) que vous deviez accepter.
Vous pouvez peut-être mesurer l’ampleur des dégâts, car même la science s’appuie sur le temps. L’objet de la théorie de la relativité est de synchroniser les horloges, parce que ce serait Chronos qui dirait le temps (et pas l’horloge; selon Einstein, Dieu ne jouerait pas aux dés). Dans le cas du paradoxe des jumeaux, ce serait Chronos qui dirait l’âge des jumeaux, pas l’une des deux horloges. Toutes les croyances, toutes nos illusions, nous conduisent à palier aux malheurs provoqués par les croyances antérieures, jusqu’à remonter à la première croyance: le temps (qui selon Kant serait innée, c’est-à-dire qu’à l’instar d’Aristote, il ne pouvait imaginer que ce soit une croyance). Le savoir perdu est qu’un homme a tracé des traits pour prédire des événements et que cela a conduit au calendrier, puis à l’horloge. Nous faisons comme si ce n’était pas un homme. Nous ignorons ce qu’il ne nous a pas dit (ou n’aurait pas pu nous dire), parce qu’il ne pouvait pas savoir qu’en ne le disant pas, nous en arriverions à vivre dans un monde d’illusions, à tuer des gens pour des illusions. Une croyance est ce que quelqu’un dit, parce qu’il ignore ce qui n’a pas pu être dit.
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Je ne me souviens pas avoir vu Full Metal Jaket. L’un de mes films préférés est Docteur Folamour.
Cependant, je comprends ce que vous voulez dire. J’ai vécu cela dans mon travail. La différence, par rapport à la guerre, est que nous n’avons pas en face de nous les gens en qui nous faisons preuve d’inhumanité, de la même façon que nous ne voyons pas les enfants morts pour que nous puissions avoir un ordinateur ou un téléphone portable. Je n’ai jamais voulu l’ignorer. Ces enfants morts (pour quoi ?), ne sont pas des illusions. Ce n’est pas une question d’empathie, je ne les connais pas, ni de remords. La question, pour moi, est pourquoi il DOIT en être ainsi. Et le devoir est relatif à des croyances qui ne sont pas les miennes, et dans le cas du téléphone, ce ne sont pas le vôtres non plus.
Je ne sais pas si vous avez longuement réfléchi à cette réponse, mais vous tombez juste. C’est bien cela que je cherche à éviter, cette inhumanité dont nous voudrions, par nos illusions, ne pas être responsables. Cela peut sembler ambitieux, mais maintenant je sais que non, c’est très simple. La question est alors comment vous faire sortir de vos illusions? De quoi avez-vous peur? Qu’est-ce qui bloque? Je vous pose la question à vous, mais c’est la même question pour tout le monde. Mon problème n’est pas que personne n’ait la réponse, mais que tout le monde s’en fout: « OK, j’ai tué un enfant pour avoir un téléphone portable, mais ce n’est faute, je ne peux rien y faire ». J’ai parfois l’impression d’être un extra-terrestre.
Je ne sais pas comment cela se passe au Canada, mais en Europe c’est une catastrophe. Et quelqu’un a fait cette chanson (je n’ai toujours pas la clef de la poésie qui vous tient tant à cœur).
Ce n’est pas la chanson qui m’a le plus marqué, mais l’évolution du poète (le chanteur). Dix ans auparavant, il chantait cela qui est en tous points l’inverse.
Je ne voudrais pas que son nouveau monde s’appuie sur des croyances, des illusions.
Oui, Aristote est une clef, parce que comme la bible, c’est un auteur ancien. C’est étonnant que vous vouliez chercher dans ses souvenirs. Ce qu’ignore Aristote est aussi ce que vous ignorez, car l’ontogénèse retrace la phylogénèse. C’est ce que Freud avait pressenti en parlant du complexe d’Œdipe, mais dans ce cas il s’était trompé. Aussi, le problème est que nous parlons d’un souvenir que nous n’avons pas, ou plutôt qu’Aristote n’a pas. Nous en avons un autre à la place, une agression qui est liée à cette ignorance. Pour ma part, je ne sais pas si j’ai ce souvenir, car j’ai toute ma vie refusé ce « sacrifice, » bien que je l’accomplisse parfois.
La première croyance est le temps. Toutes les croyances en dérivent. Une croyance provient de quelque chose que nous ignorons. Le souvenir est le sacrifice relatif à cette ignorance, tel qu’un réveil matin qui nous contraint à nous réveiller (le sacrifice évoqué précédemment que j’ai refusé). C’est difficile d’expliquer en quelques mots, la chose que nous ignorons: « Chronos était l’homme qui traçait des traits ». Prenez un calendrier, que voyez-vous? Des dates, des événements associés, dont le 25 décembre. Ce que vous ignorez, ce sont les traits, l’emplacement où est noté la date. Il faut un trait pour l’associer à une date. Et la question est qui trace le trait? Est-ce un dieu, Chronos, ou un homme qui pourrait être vous?
Est-ce vous qui décidez que tel jour est le 25 décembre, le jour où il faut fêter le père Noël, ou est-ce que vous le faites parce que quelqu’un vous l’a dit, que quelqu’un vous a fait croire (en vous faisant croire au père Noël) qu’il fallait le fêter? Si c’est un dieu, c’est une obligation, si c’est vous, c’est une possibilité. Croire, c’est seulement croire ce que quelqu’un a dit, à l’époque d’Aristote parce que c’était un dieu, et de nos jours en faisant comme si c’était un dieu (la télévision, un premier ministre, un médecin, un calendrier, etc.)
Aristote ignorait les dieux, mais ne pouvait ignorer chronos (sans la majuscule, le temps en grec). Je ne sais pas si vous pouvez percevoir le problème? Chronos (le temps) est celui qui dit l’heure, qui trace le trait, parce qu’il traçait les traits, des traits que n’importe qui aurait pu tracer. Nous apprenons le temps parce que nous faisons comme si c’était Chronos qui disait l’heure. Vous vous réveillez le matin avec un réveil, parce que c’est quelqu’un qui dit le temps, que vous devez vous réveillez à telle heure, vous ne vous réveillez en regardant l’heure qu’il est (parce que ce serait vous qui diriez le temps) et en appelant votre patron pour dire que vous serez en retard. C’est Chronos qui dit l’heure, et c’est cela le temps (sinon, il n’y a pas le temps, seulement une horloge ou un calendrier). En ignorant les dieux, ce qui a conduit à Dieu (celui de la bible), Aristote nous a légué ses croyances, que les choses « sont » quelque chose, que le temps serait quelque chose, alors que le temps n’est que le trait qu’avait tracé Chronos lorsqu’un nouveau jour se profilait, pour chercher à prévoir un événement. Le souvenir d’Aristote est le même que le vôtre, le jour où quelqu’un vous a contraint (en vous agressant) à être à l’heure, quelles qu’en soient les conséquences (ce qui fait un devoir), c’est-à-dire les sacrifices (agressions) que vous deviez accepter.
Vous pouvez peut-être mesurer l’ampleur des dégâts, car même la science s’appuie sur le temps. L’objet de la théorie de la relativité est de synchroniser les horloges, parce que ce serait Chronos qui dirait le temps (et pas l’horloge; selon Einstein, Dieu ne jouerait pas aux dés). Dans le cas du paradoxe des jumeaux, ce serait Chronos qui dirait l’âge des jumeaux, pas l’une des deux horloges. Toutes les croyances, toutes nos illusions, nous conduisent à palier aux malheurs provoqués par les croyances antérieures, jusqu’à remonter à la première croyance: le temps (qui selon Kant serait innée, c’est-à-dire qu’à l’instar d’Aristote, il ne pouvait imaginer que ce soit une croyance). Le savoir perdu est qu’un homme a tracé des traits pour prédire des événements et que cela a conduit au calendrier, puis à l’horloge. Nous faisons comme si ce n’était pas un homme. Nous ignorons ce qu’il ne nous a pas dit (ou n’aurait pas pu nous dire), parce qu’il ne pouvait pas savoir qu’en ne le disant pas, nous en arriverions à vivre dans un monde d’illusions, à tuer des gens pour des illusions. Une croyance est ce que quelqu’un dit, parce qu’il ignore ce qui n’a pas pu être dit.
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En ce qui concerne l’inhumanité du monde, vous vous doutez bien qu’à titre personnel, je m’efforce de prendre mes responsabilités et que mes opinions politiques sont cohérentes, bien qu’il soit difficile d’être parfaitement cohérent au regard de l’offre politique actuelle. Je crois être assez lucide par rapport au monde qui m’entoure et lorsque je parle de vivre parmi les illusions, c’est précisément parce que comme vous, je me sens un peu comme un extraterrestre. Pour tout vous dire, ma conviction profonde est que le monde tel que nous le connaissons va s’effondrer, tôt ou tard. À mes yeux, le monde occidental est déjà un champ de ruines. Lorsque je parle de « totalitarisme guimauve », je suis très sérieux: nous vivons dans un monde traversée par une idéologie qui s’impose de façon totale. Mais c’est tout de même mon monde et je n’ai pas envie de le déserter. Je ne sais pas si votre posture correspond à une désertion et si c’est le cas, je respecte tout à fait ce choix. Je pense que le changement peut s’incarner selon une diversité de postures – non: qu’il requiert une diversité de postures.
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En ce qui concerne votre poète, je n’en ai aucune connaissance mais il me semble que son évolution n’est pas forcément incohérente: jadis il partageait des luttes collectives et espérait donc changer les choses de façon tout aussi collective. Maintenant, peut-être a-t-il décidé de changer pour lui-même et de ne plus attendre les autres et c’est pourquoi il est heureux de nous chanter les vertus de sa nouvelle posture !
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Pour ce qui est du temps, pourquoi tenez-vous à appeler cela une « illusion » ? Ne s’agit-il pas plus simplement d’une convention, et qui plus est, une convention nécessaire à la vie collective ? Tout notre langage et notre culture sont affaires de convention. Après, tout est affaire d’éthique. J’ai déjà écrit sur ce blogue que l’éthique est la discipline reine de la philosophie. Si j’ontologise le temps à la manière de Kant, je ne fais au fond que statuer sur la place éthique du temps dans la vie humaine.
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Oui, oui. C’est ainsi que je l’entendais.
Nous sommes peut-être deux extra-terrestres. Vous essayez de détricotez les croyances , ce qui a une utilité pratique (les gens sont guidés par leurs croyances), alors que je n’ai jamais réussi à y adhérer. Peut-être ai-je déserté, dans la mesure où cela m’a été possible.
Le temps est l’illusion qu’il n’est pas donné par une horloge. Bien-sûr, rien n’empêche de choisir une horloge commune, mais c’est une horloge commune, ce n’est pas le temps. Le temps est un dieu, celui qui dit l’heure aux horloges, qu’elles soient commune ou pas. C’est une chose invisible qui cause des effets visibles. Vous voyez cet édifice en ruine, et vous dites que c’est l’effet du temps. C’est un homme qui a dit le temps en le lisant sur une horloge qu’il avait créé à une époque lointaine, sans savoir que cela deviendrait l’horloge. Le temps est ce qu’il n’a pas pu dire, car lui n’a fait que tracer des traits, ceux que l’on voit sur les horloges.
Ce n’est pas une chose invisible qui cause l’effet visible, cet édifice en ruine, mais une horloge. Sans elle, nous ne pourrions pas mesurer l’érosion entre deux périodes, nous ne pourrions pas la voir. Ce n’est pas un dieu qui le dit, mais une horloge. L’érosion ne dépend pas du temps, mais de celui qui dit l’heure. Aussi, personne n’a la « notion » du temps, et contrairement à ce que pourraient penser certains médecins, Robinson Crusoé n’avait pas Alzheimer. Il avait juste perdu sa montre.
La vitesse se calcule par le temps. C’est une croyance. Vous allez au marché et vous mettez 30 minutes à pied. Je vais à ce même marché, mais je mets 35 minutes. Est-ce que je suis allé plus lentement, ou êtes vous allé plus vite? Quelle est l’importance? Pour calculer la vitesse, il faut une référence. Chronos aurait mis 30 minutes, donc je suis en retard. Est-ce que je dois faire un sacrifice pour ne plus être en retard, pour ne pas offenser Chronos, comme de forcer le pas, de partir plus tôt, de m’entraîner à marcher plus vite? Ou dans un autre domaine, est-ce que je dois prendre un médicament pour guérir à l’heure ou pour ne pas mourir trop tôt? Tout cela n’a de sens que relativement à la croyance dans le temps. Rien n’empêche d’être à l’heure sans croire au temps. La croyance n’est que l’obligation, la justification que nous avons fait les sacrifices nécessaires lorsque nous sommes en retards.
Vous comprenez peut-être qu’il n’y a pas d’éthique pour moi, car l’éthique est un compromis. Je suis plus vieux, donc je marche moins vite. L’éthique peut dire qu’il ne faut pas m’obliger à aller plus vite, alors que ce que je cherche, c’est à ce que les gens écoutent et regardent, comme avant la séparation des eaux, que chacun agisse selon ce qu’il a vu, pas selon ses croyances, selon ce qu’il pense. Cela peut être d’autres qui l’ont vu, mais ils l’ont vu, ce n’est pas une chose invisible.
La seule chose qui peut permettre de sortir un jour de cela, est d’arrêter de croire ce qu’on nous dit quand personne ne peut nous le montrer. On peut montrer une horloge, n’importe qui peut apprendre à lire l’heure, alors que personne ne peut montrer le temps. On est obligé de croire ce qu’en disent d’autres qui n’en savent rien. Pourquoi les gens croient ce qu’on leur dit sans demander à ce qu’on leur montre?
Je m’égare. Je suis hors sujet :-).
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Je me suis relu et je crois que ce n’est pas clair. Je vais y réfléchir pour faire une autre réponse.
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Je vous donne une autre réponse. J’espère que je ne prends pas trop d’espace :-).
Le problème est que nous avons des démarches opposées. Vous prenez le monde tel qu’il est, peuplé d’illusions et vous cherchez à les comprendre. D’une part, une grande partie se retrouve dans la bible, d’autre part, c’est ce que qu’étudient les philosophes. Vous savez en parler, alors que je ne sais pas le faire. Ma démarche est à l’inverse de la votre. J’ai cherché comment se créent les illusions, comment nous en sommes arrivées au monde tel qu’il est: comment les eaux se mélangent.
Il ne s’agit pas de savoir qui a raison. Votre démarche vous permet de vous adapter aux croyances, alors que la mienne conduit à tout rejeter, à vivre sans illusion. La votre conduit à une éthique, à chercher disons un juste milieu, la mienne conduit à les éliminer. Je sais maintenant que chacun de nous ne cherche qu’à résoudre ses propres problèmes, à penser sa vie, vous à vous débarrassez ou à vivre avec vos propres illusions, et moi à fuir tant que faire se peut les illusions des autres. Il ne s’agit même pas d’en débattre, nous n’avons pas le choix.
Cela paraît peut-être illusoire de tenter de me faire comprendre. Cependant, une illusion est une illusion. Lorsqu’elle disparaît, rien n’a changé. J’affirme que le temps est la première croyance. Ne plus y croire, c’est seulement inciter à ne plus le penser, à ne plus en parler. Rien n’a changé, vous aurez toujours une montre que vous consulterez pour être à l’heure à un rendez-vous. L’illusion est seulement ce qui nous pousse à faire tout ce qui est possible pour ne pas être en retard, à appuyer sur l’accélérateur pour rattraper le temps perdu dans un embouteillage, pour pouvoir justifier que nous avons fait notre possible. Or, les croyances ne sont pas « en nous », c’est la société (et nos parents) qui nous les enseigne. Ainsi, s’il s’agit de ne pas louper un train, vous serez pénalisé si vous êtes en retard, vous devrez acheter un autre billet. Je me souviens d’une époque où le chef de gare attendait que les gens aient fini de monter dans le train, de se dire aurevoir, voire attendait les retardataires qui ne s’étaient pas réveillés. Lorsque je loupais le train, je pouvais réutiliser mon billet. Il n’était pas important que les trains partent à l’heure, tout au moins dans les petites gares.
La première croyance est le temps et toutes les croyances en dérivent. Ainsi, en croyant au temps, vous croyez en l’éternité. Aussi, en prenant le monde tel qu’il est, vous mettez tout à plat, car les croyances sont éternelles. J’ai l’impression que vous raisonnez à l’envers, mais Aristote cherchait à résoudre ses propres problèmes en cherchant ce qu’est la raison. C’est moi qui raisonne à l’envers de la raison. Vous croyez que le temps est éternel, cela conduit à penser que le monde est incréé comme le pensait Aristote, à croire au premier moteur ou de nos jours au Big Bang. Vous avez les eaux mélangés et avant vous ne pouvez pas le savoir, c’est avant le Big Bang. De la même façon, vous allez croire que la conscience est éternelle. Or, Aristote n’avait pas de conscience, il ne la pensait pas, n’en parlait pas. Cela signifie qu’il n’avait pas besoin de justifier « ses retards » par la conscience. C’est qu’il n’avait pas cette croyance qui m’intéresse, alors que vous aurez tendance à faire comme s’il avait une conscience et qu’il ne le savait pas. Pourtant, la conscience permet de justifier des comportements qu’Aristote n’avait pas. Il en va de même pour la réalité qui est une croyance récente (XIIIème). La bible ne devrait pas en parler, car elle est lui postérieure. Vous pouvez lire la bible en faisant comme si vous viviez à une époque où il n’y avait pas de réalité, plutôt que de la transposer pour expliquer la bible selon votre réalité. Si vous ne le faites pas, vous ne perdrez pas vos illusions, vous ne ferez que chercher d’autres moyens de les justifier.
J’ai dans ma famille un docteur en ethnologie qui m’a soumis une question qui le préoccupe. Est-ce que la conscience (une croyance, une chose invisible) est apparue d’un coup ou progressivement? Lui pensait qu’elle était apparue d’un seul coup. Il m’a posé cette question, il y a peut-être 30 ans. Je m’en souviens, car il m’a « agressé » (pas physiquement et je trouvais ce qu’il disait intéressant), car je n’avais aucun argument. Il cherchait juste à me le faire « croire ». C’est pourquoi j’en ai le souvenir 30 ans après. C’est mon problème, les gens se battent avec moi pour m’imposer leurs croyances, alors je n’ai le choix que de vivre en ermite ou de chercher à les inciter à ne plus croire. Votre démarche, prendre le monde tel qu’il est, conduit à cette question sur la conscience, quelle que soit la réponse que vous pourriez choisir. La réponse ne m’intéresse pas, je ne crois pas en la conscience.
Il y a cette image des chevaux pris dans la glace dans un lac en Russie décrite par je ne sais plus qui. L’eau pure peut descendre sous zéro degré sans geler. Il suffit alors d’un grain de sable pour que le lac entier gèle d’un seul coup. De même, il a suffi d’un grain de sable pour que les eaux se soient mélangés, puis elles n’ont jamais arrêté de se mélanger jusqu’à aujourd’hui. Le grain de sable est ce que vous ignorez, ce qu’Aristote ignorait. C’est ce que j’ai cherché. Lorsqu’il est tombé dans l’eau, il était visible. Nous pouvons le voir, sinon nous n’aurions pas de croyance. Ce sont les croyances qui sont invisibles, ce sont elles qui nous empêchent de le chercher, de le voir, alors que le grain de sable est nécessairement là autour de nous. Nous ne le voyons pas lorsque nous pensons nos vie, car nous ne regardons pas, nous n’entendons pas, nous pensons. Vous venez me voir et vous êtes en retard. C’est ainsi, je n’en pense rien. Si vous croyez au temps, vous ne regardez pas, vous ne voyez pas que pour moi c’est ainsi, vous pensez votre vie, vous pensez aux justifications qui feront que je ne vous en voudrais pas, à ce que vous pourriez me dire, à ce que vous pourriez faire pour que cela ne se reproduise pas. Vous ne voyez alors pas les grains de sable.
Pour les animaux, rien n’est invisible. C’est le propre de l’homme de créer des choses qui le conduiront à croire en l’invisible. Quelle est la différence visible entre lui et les animaux qui peut conduire à cela? Ce n’est pas la conscience, la pensée. Il ne pense pas l’invisible pour créer le visible, mais l’inverse. La différence, ce sont ses mains. L’homme a créé un grain de sable, un outil, avec ses mains. La question est alors qu’est-ce qui distingue ce grain de sable des outils, tels que les bifaces, le feu, les lances, qu’il a pu créé auparavant? Vous prenez un biface dans vos mains et vous voyez ce que vous pouvez en faire. A l’inverse, quelqu’un qui vivrait à l’époque où la bible a été écrite, ne pourrait pas deviner que sous le capot d’une voiture, il y a un moteur qui peut la mouvoir. Il faut que quelqu’un le lui dise ou le lui montre. Et si quelqu’un le montre, n’importe qui peut le voir et le comprendre, car cela a été créé par l’homme. Supposez que plus personne ne sache comment fabriquer une voiture. Nous aurions des voitures sans savoir qu’il y a un moteur sous le capot. Une chose invisible la ferait se mouvoir. Nous aurions créé une croyance. Nous aurions à nous prémunir des malheurs que pourrait provoquer cette chose invisible. Lui donner de l’essence serait un sacrifice à la chose invisible pour se prémunir du malheur qu’elle ne démarre pas.
Le temps est la première chose invisible. C’est ce que Chronos n’a pas pu dire, comme personne ne pourrait dire, dans le cas de la voiture, qu’il y a un moteur qui la meut. Nous ne pouvons pas créer d’autres croyances, car de nos jours lorsque nous créons un outil, nous pouvons tout voir. C’est pourquoi il y a une seule croyance dont toutes les autres dérivent. Nous en créons de nouvelles pour nous prémunir des malheurs provoqués par les précédentes. Elles se sont empilées au fil des siècles. Nous ne savons plus comment nous en débarrasser. A l’époque de la bible, les gens voyaient encore ce qui se passaient autour d’eux, car ils avaient moins de croyances que nous, alors que nous sommes damnés, nous ne voyons plus rien et nous croyons n’importe quoi. Il n’y a plus de vérité, tout peut-être vrai et faux à la fois, selon ce que nous croyons. Nous cherchons qui pourrait le savoir alors que personne ne sait rien.
Ce grain de sable qui a séparé les eaux est ce trait qu’a tracé Chronos. Vous prenez un calendrier, et vous avez un trait qui démarque un jour d’un autre jour. Quelqu’un a tracé ce trait, un jour, avant de savoir compter, de donner des noms aux jours. Il n’a jamais eu besoin de savoir qu’il y avait quelque chose qui ne se voyait pas. Il ne l’a pas dit. La croyance est ce qui ne se dit pas. C’est une chose invisible qui justifie que nous devons faire ceci ou cela. C’est le grain de sable qui sépare les eaux, ce que Chronos n’a pas dit.
Pour éliminer les croyances, il suffit de le dire. Nous ne sommes alors pas en retard parce que le temps nous a puni, nous a contraint à devoir le subir, mais parce que l’horloge le dit. Vous ne faites plus les choses parce que le temps le dit, affronter cet orage pour être à l’heure, mais lorsque vous pouvez les faire, profiter du soleil pour aller vous promenez. Dans ce dernier cas, l’heure n’est que le moment où vous le faites, ce n’est pas le temps (la croyance) qui vous guide. La seule chose qui a alors changé est que plus personne ne peut vous dire ce que vous devez faire. Vous vous adaptez aux gens, comme un chien ou un chat s’adapte à vous, pas à leurs croyances.
Pourquoi, une fois qu’on croit en l’invisible, devient-il impossible de montrer qu’il est invisible, que c’est une illusion? Pourquoi est-il impossible d’empêcher les gens de croire, de faire leur propres malheurs?
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Toute votre philosophie me semble fondée sur un présupposé : à savoir que les croyances sont mauvaises. Pourtant, le phénomène de l’humanité s’est très précisément érigé sur un monde de croyances. Elles ont certainement une fonction régulatrice de la collectivité, une fonction logistique. Vous me semblez aussi idéaliser un monde primitif. Mais l’humanité a fait de belles et grandes conquêtes par la croyance. Comment pouvons-nous justifier que tout cela n’était qu’une erreur et que nous devons maintenant rebrousser chemin?
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En ce qui concerne l’éthique, je vois difficilement comment vous pourriez vivre en société sans former des jugements éthiques. Vous devez bien être confronté à des situations impliquant d’autres personnes qui veulent des choses différentes de vous?
Car « former des jugements éthiques » est différent d’« avoir une éthique ». Lorsque nous disons que nous « avons une éthique », il s’agit souvent d’un idéal : nous voudrions juger les situations à l’aune de telle valeur, ou selon tel mouvement de la pensée que nous jugeons « droit » mais en réalité, nous savons que cela n’est pas toujours possible ou toujours aussi simple. En fait, les systèmes éthiques s’appliquent essentiellement à des macro-sphères complexes pour lesquelles les individus pris séparément n’ont que peu d’influence. Par exemple, pour régir les relations entre les individus d’un État ou entre États, nous avons développé l’éthique des droits.
À l’échelle individuelle, le travail éthique est plutôt fait d’une myriade de petits combats : éliminer quelque mauvais jugement par-ci, ajuster sa sensibilité par-ci, etc.
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Vous parlez de la croyance au temps mais c’est une dénomination qui me paraît imprécise et peu parlante. Toute croyance consiste en un jugement. Or, un jugement est formé d’un sujet et d’un prédicat. Aussi, lorsque vous parlez de la croyance au temps, pour moi, vous n’avez encore rien dit. Déjà, nous pourrions parler de « croire que le temps a une valeur en soi », ce qui est effectivement une croyance qui imprègne de façon importante la société occidentale. C’est-à-dire qu’une bonne partie de nos activités sont conçues de manière à nous faire « gagner du temps », à accélérer les processus qui traversent la société, à optimiser notre temps de loisir. C’est patent dans le milieu du travail depuis l’avènement de la méthode Toyota.
Après, nous pouvons nous demander pourquoi nous accordons une valeur en soi au temps. Peut-être est-ce parce que le temps c’est de l’argent, parce que notre temps peut être utilisé afin d’effectuer des activités productives, c’est-à-dire des activités qui vont optimiser nos conditions matérielles de vie? Et pourquoi optimiser sans cesse nos conditions matérielles de vie? Parce que nous croyons au progrès, nous croyons que nous progressons à éradiquer le grand fléau de la souffrance universelle, de la mort, etc.
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Le philosophe Henri Bergson avait développé une critique de la raison qu’il appelait le « mouvement rétrograde du vrai », dans laquelle il faisait valoir que notre entendement a tendance à généraliser à l’ensemble du temps les jugements qu’il se forme aujourd’hui ou, ce qui revient au même, à reconstruire le passé à partir du présent. Alors que, nous dit Bergson, le présent est toujours radicalement nouveau. Il me semble que cela rime bien avec certaines choses que vous dites.
Dans ma lecture de la Bible, je suis certainement susceptible d’étendre mes jugements actuels au contenu de ce livre.
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C’est vraiment drôle que vous parliez de l’apparition de la conscience car mon prochain article sur la Bible traite notamment de ce sujet précis.
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En ce qui concerne la différence entre l’homme et les animaux, c’est très précisément la thèse de George Bataille, que j’ai rapidement présentée dans le 2e article, de dire qu’elle découle de l’utilisation des outils et du monde des possibles qui s’y rattache.
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« Pourquoi, une fois qu’on croit en l’invisible, devient-il impossible de montrer qu’il est invisible, que c’est une illusion? Pourquoi est-il impossible d’empêcher les gens de croire, de faire leur propres malheurs? »
Parce que du moment que les gens agissent selon des croyances, ils changent aussi la réalité en fonction de ces croyances. Si les gens croient à la valeur en soi du temps, alors le monde deviendra organisé en fonction de gagner du temps. Les voitures seront plus rapides, les processus seront plus contrôlés, plus minutés, les impératifs économiques vous forceront vous aussi à gagner du temps, l’espace culturel sera tapissé d’incitations à gagner du temps, etc.
De telle sorte que pour avoir la force de questionner cette croyance, il faut des ressources (ou de la chance, un terrain propice, une rencontre déterminante, etc.) que toutes les personnes n’ont pas et lorsque l’on a la force d’y aller de ce questionnement, il faut encore davantage de ressources pour y résister un tant soit peu.
Lorsque les gens doivent poser des gestes qui relèvent de croyances qui ne les habitent plus, cela s’appelle le « mal-être ». Le mal-être est partout autour de vous. Il vous désole mais en même temps, il devrait vous indiquer qu’il y a de l’espoir!
Du reste, la chasse aux mauvaises croyances (le sont-elles toutes?) est la tâche traditionnelle de la philosophie et de la science, et parfois même de l’art. La différence avec vous, c’est que vous ratissez large. Vous vous exposez donc davantage à la déception.
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J’aurais dû me méfier :-).
Je n’ai pas de philosophie. Je ne cherche pas ce qui est bon ou mauvais, bien ou mal, ni même ce qui est vrai ou faux, bien qu’à une période je “croyais” que le problème que je cherche à résoudre avait un lien avec la vérité. Je ne cherche pas ce que je dois faire, comment je dois agir.
La croyance est une chose invisible. Ce que je dis c’est qu’une chose invisible a un support matériel qui permet de voir ses effets. Elle “naît” de l’ignorance de ce support matériel. Aussi, elle justifie un sacrifice que vous demandez aux autres pour qu’ils adhèrent à la croyance. Le sacrifice est l’acception de faire quelque chose que personne ne ferait s’il savait pourquoi il doit le faire. Aussi, le sacrifice induit la contrainte, une obligation (par la force, le mensonge, la ruse), et conduit à des traumatismes.
Mes parents ne m’ont pas incité à croire au père Noël. J’ai donc été confronté très tôt à des gens (à l’époque mes camarades) qui me prenaient pour un extra-terrestre. Il était impossible de les convaincre que leurs parents leur avaient menti. Cela ne changeait rien pour moi, car mes parents m’offraient des cadeaux à Noël.
Comme tous les parents, ils ne savaient pas pourquoi il faut fêter Noël, car personne ne leur a dit quelle est le support matériel qui conduit à la croyance qu’il faut fêter Noël. Je n’ai pas acquis la croyance, puisque je n’ai pas accompli de sacrifice, donc le support matériel m’importait peu. Pourtant, toute ma vie j’ai été en conflit avec ceux qui avaient acquis la croyance. Je fêtais Noël parce que cela semblait leur faire plaisir, alors que pour moi, cela m’a toujours été égal. Il ne devrait rien y avoir de désagréable à fêter Noël. Cependant, ils m’imposaient alors leurs rituels sacrificiels. Ce qui pourrait sembler comique, mais cela ne l’était pas pour moi, c’est que ces rituels changeaient selon les personnes. J’étais en conflit avec untel si je n’acceptais pas le sacrifice qu’il avait accepté (je ne sais pas, à Noël il faut être bien habillé, faire des cadeaux à tout le monde, etc.), alors que quelques années auparavant j’avais été en conflit avec untel parce qu’il m’en imposait d’autres (il faut le fêter le 25.12 et pas le 24.12 au soir, peu importe).
Les choses invisibles ne se voient pas. Aussi, le sacrifice s’impose par la ruse, la force, le mensonge, etc. Il peut conduire à des traumatismes. J’en ai discuté avec mes frères et sœurs à qui mes parents ont fait croire au père Noël. Ma mère a traumatisé mon frère parce qu’il ne comprenait pas pourquoi il devait faire ceci ou cela pour avoir des cadeaux à Noël (ce n’est pas un gros traumatisme, ce n’est que Noël).
J’ai choisi d’illustrer mes propos avec une croyance qui n’est pas méchante. Cependant, il y a des gens qui vont accepter d’aller se faire tuer à la guerre (une croyance) en chantant, alors qu’il faudra contraindre les autres. Le problème de la croyance est le devoir, l’obligation d’y croire. Cette obligation conduit à des traumatismes, et à faire des choses sans savoir pourquoi, puisque tout le monde ignore le support matériel. Nous le faisons non pas par choix, mais parce que quelqu’un nous dit de le faire sans que personne ne sache pourquoi (ni celui qui le dit, ni celui qui le fait). Je ne dis nullement qu’il ne faut pas le faire, je n’empêche personne d’aller se faire tuer à la guerre. Je dis que si les gens ne croyaient pas, qu’ils savaient pourquoi ils le font (que quelqu’un leur montrait le support matériel), il n’y aurait pas de conflits entre ceux qui le font et ceux qui ne le font pas. Personne ne pourrait alors obliger quelqu’un à le faire.
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“Pourtant, le phénomène de l’humanité s’est très précisément érigé sur un monde de croyances. Elles ont certainement une fonction régulatrice de la collectivité, une fonction logistique.”
Je ne comprends pas où vous voulez en venir. Je ne réponds pas.
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“Vous me semblez aussi idéaliser un monde primitif.”
Il n’y a pas de “monde” primitif, comme le disait Aristote à Platon, vous seriez incapable de définir de quoi il s’agit.
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“Mais l’humanité a fait de belles et grandes conquêtes par la croyance.”
C’est un mensonge.
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“Comment pouvons-nous justifier que tout cela n’était qu’une erreur et que nous devons maintenant rebrousser chemin?”
Il n’est pas question d’erreur, personne n’a fait d’erreur, ni de rebrousser chemin, mais d’éliminer les conflits.
J’ai lu presque tous les livres de JS Gould. Toute sa vie il a combattu l’enseignement du créationnisme à l’école. Les croyances, celles en une création et en l’évolution, s’opposent et créent des conflits. Si vous sortez de la croyance, vous comprenez qu’il y a un fond de vérité dans les deux, et que vous ne pourrez jamais résoudre le conflit. Les uns “doivent” inciter les autres à accepter le sacrifices qu’ils ont accepté. C’est juste absurde, d’autant plus que ces deux croyances ont la même base.
Lorsque j’ai parlé de support matériel, ci-avant, je n’ai pas précisé qu’il s’agissait d’un outil créé par l’homme, avec ses mains. La conscience est-elle incréée ou s’est-elle développée progressivement?
La conscience est une croyance, aussi la question est absurde. L’homme a créé un outil pour se prémunir d’un malheur provenant d’une autre croyance en acceptant un sacrifice justifié par la conscience. Elle a un support matériel (j’ai une idée duquel, mais je ne suis pas certain; cette croyance en la conscience m’intéresse assez peu). La conscience a été créée par l’homme qui l’a imposée, par la force, la ruse ou le mensonge, aux autres hommes. Elle s’est imposée progressivement au fil des siècles (noter la différence entre dire au “fil des siècles” et dire “au fil du temps”), mais elle est aussi incréée, car cela qui l’a créé n’a pas choisi de le faire. Il croyait en quelque chose qui a provoqué des malheurs dont il cherchait à se prémunir. Tous ceux qui avaient sa croyance aurait pu la créer.
Elle est apparue d’un seul coup, par le hasard d’un malheur, et s’est développée progressivement. La question n’est pas là, mais que le support matériel a été créé par l’homme. Il n’y a pas conscience quelque part dans le cerveau, par là-même de chaînon manquant. Il faut accepter le sacrifice pour y croire. Je ne l’ai pas accepté, je n’ai donc pas de conscience.
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“En ce qui concerne l’éthique, je vois difficilement comment vous pourriez vivre en société sans former des jugements éthiques. Vous devez bien être confronté à des situations impliquant d’autres personnes qui veulent des choses différentes de vous?”
Le problème n’est pas pour moi que des gens puissent vouloir des choses différentes, mais qu’ils voudraient que je veuille les mêmes choses qu’eux, que j’accepte les sacrifices qu’ils ont acceptés sans me dire pourquoi. Je n’aime pas parler de l’éthique, car je ne comprends pas ce mot, ce que vous avez perçu puisque vous tentez de me l’expliquer. Je comprends la démarche, mais je ne peux pas y adhérer, car cela ne me gêne pas que les gens fassent ce qu’ils veulent. J’aimerais juste en rencontrer qui ne veulent pas m’imposer quelque chose. Vous supposez qu’il doit en être ainsi, alors vous cherchez ce qui pourrait être imposé de manière harmonieuse. Je dis tout effort d’imposer quelque chose est vain.
La vérité est une croyance, celle qu’un sacrifice est “vrai”. J’ai le nez qui coule, je vais voir un médecin qui me prescrit un médicament (le sacrifice) en le justifiant par une maladie. Je prends le médicament et quelques jours plus tard, mon nez ne coule plus. J’en déduis que le sacrifice est vrai. J’aurais pu aller à l’église et prier Dieu et obtenir le même résultat. Nous allons chercher la vérité, est-ce que prier Dieu peut soigner un nez qui coule. Certains diront que oui, d’autres que non. Ils auront des jugements sur ce qu’il faut faire.
Il faudrait que je développe plus, sans doute, mais où je veux en venir est que ce débat ne m’intéresse pas, chacun fait ce qu’il veut. Ce qui m’importe est que quelqu’un puisse me dire ce que moi je dois faire, sans me dire pourquoi. Car il s’agit d’une croyance, celle en la maladie, et je n’y crois pas. Cela ne veut pas dire que mon nez ne coulait pas, mais que personne ne sait ce que je dois faire, pas plus un médecin qu’un prêtre. Ce qui m’importe est pourquoi il y a la maladie. Ce n’est ni un problème de création, Dieu aurait créé les maladies, ni un problème d’évolution, que sais-je, qu’elle sélectionnerait les individus, mais que c’est une croyance créée par l’homme pour se prémunir d’un malheur (celui d’être malade) et qui a un support matériel que personne ne cherche et que personne ne peut me montrer, mais qui a été créé par l’homme.
Vous pouvez chercher ce qui serait le mieux concernant la maladie, pour moi le sujet est d’éliminer la maladie, d’arrêter d’en parler, d’en avoir peur, d’y penser, car c’est une croyance. La croyance n’est pas que mon nez coule, mais que ce soit une maladie. La croyance n’est pas que le médicament soit inefficace, mais qu’il va me prémunir du malheur d’avoir le nez qui coule sans provoquer d’autres malheurs. Pour moi, il ne peut jamais y avoir d’obligation. Un médecin doit me dire ce qu’il sait et je fais selon, sans me poser trop de question, sans faire simplement ce qu’il me dit. S’il évoque des croyances, telle que la maladie, je ne lui ferais pas confiance. Je ne prendrais pas son médicament.
Peut-être cela serait-il utile d’en chercher les fondements, car les maladies sont peut-être le résultat des sacrifices, mais je n’ai même pas cette ambition. Je veux juste que l’on arrête de me faire prendre des vessies pour des lanternes. Ce qui me gêne alors c’est que les gens font ce qu’on leur dit de faire, guider par la croyance en la maladie. C’est cela qui me fait peur, car je suis en conflit avec eux. Selon les circonstances, ils peuvent vouloir m’imposer le sacrifice, que ce soit pour respecter une éthique ou tout autre chose.
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« Vous parlez de la croyance au temps mais c’est une dénomination qui me paraît imprécise et peu parlante. Toute croyance consiste en un jugement. Or, un jugement est formé d’un sujet et d’un prédicat. Aussi, lorsque vous parlez de la croyance au temps, pour moi, vous n’avez encore rien dit. Déjà, nous pourrions parler de « croire que le temps a une valeur en soi », ce qui est effectivement une croyance qui imprègne de façon importante la société occidentale. C’est-à-dire qu’une bonne partie de nos activités sont conçues de manière à nous faire « gagner du temps », à accélérer les processus qui traversent la société, à optimiser notre temps de loisir. C’est patent dans le milieu du travail depuis l’avènement de la méthode Toyota.
Après, nous pouvons nous demander pourquoi nous accordons une valeur en soi au temps. Peut-être est-ce parce que le temps c’est de l’argent, parce que notre temps peut être utilisé afin d’effectuer des activités productives, c’est-à-dire des activités qui vont optimiser nos conditions matérielles de vie? Et pourquoi optimiser sans cesse nos conditions matérielles de vie? Parce que nous croyons au progrès, nous croyons que nous progressons à éradiquer le grand fléau de la souffrance universelle, de la mort, etc. »
La croyance est le “temps”, bien que je ne sache pas si je peux le dire ainsi. Ce que vous évoquez ce sont des croyances qui en dérivent, tel que le progrès. Je ne veux pas tout mélanger, cela nous mènerait très loin et vous savez beaucoup mieux en parler que moi.
Une croyance induit des sacrifices, disons que je mets mon réveil pour être à l’heure au travail, parce que le “temps.” Je justifie le sacrifice par la chose invisible, parce que personne ne sait pourquoi il y a le temps. Le jugement de valeur concerne le sacrifice. Il est acceptable d’être en retard parce que je suis malade, alors que cela ne l’est pas si je n’ai pas entendu le réveil sonner.
Un sportif court le cent mètre en dix secondes. C’est ce que dit une horloge. Il n’y a pas de jugement de valeur, c’est ce qu’il a fait et ce que dit l’horloge. Est-ce un bon ou un mauvais “temps”? C’est le “temps” la chose invisible qui induit les sacrifices. Est-ce qu’il s’est entraîné suffisamment ou est-ce qu’il est malade?
Pour appréhender ce qui est avant le mélange des eaux, vous pouvez essayer d’éliminer toutes les choses invisibles de ce que vous dites. Si vous n’utilisez pas le mot temps, vous ne pouvez plus justifier des jugements. La croyance n’est pas le jugement, ce n’est que le mot qui cache un non-savoir.
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« Le philosophe Henri Bergson avait développé une critique de la raison qu’il appelait le « mouvement rétrograde du vrai », dans laquelle il faisait valoir que notre entendement a tendance à généraliser à l’ensemble du temps les jugements qu’il se forme aujourd’hui ou, ce qui revient au même, à reconstruire le passé à partir du présent. Alors que, nous dit Bergson, le présent est toujours radicalement nouveau. Il me semble que cela rime bien avec certaines choses que vous dites.
Dans ma lecture de la Bible, je suis certainement susceptible d’étendre mes jugements actuels au contenu de ce livre. »
Le présent et le passé sont des croyances. Le passé sert à justifier les croyances du présent, donc les sacrifices que nous avons acceptés. Ce que dit Bergson me parle.
Cela donne quelque chose d’étrange lorsque nous lisons des textes anciens, comme la bible, car l’histoire racontée par des historiens est le reflet de leurs croyances, ce qui signifie que la bible est le reflet des croyances de cette époque. Si vous faites fi de cela, vous allez interpréter la bible pour qu’elle reflète vos croyances.
Je dis aussi que les croyances ne disparaissent pas. Donc, ce qui m’intéresserait ce n’est pas d’interpréter la bible, mais d’appréhender l’évolution des croyances. J’ai pris l’exemple de la conscience et de la réalité précédemment. La réalité provient de la théologie. Elle permet d’appréhender ce qu’est Dieu, la Vérité. Cela permet de comprendre que Dieu est un mensonge, comme le père Noël. Pour l’instant, je ne sais pas à quoi voulait faire croire celui qui a créé ce mensonge.
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« C’est vraiment drôle que vous parliez de l’apparition de la conscience car mon prochain article sur la Bible traite notamment de ce sujet précis. »
Bien-sûr, celui qui se posait cette question était un croyant (en Dieu). Cependant, il semble que la conscience est postérieure à l’ancien testament. Elle n’est pas apparue il y a 5000 ans, mais il y a environ 1000 ans. Sauf à ce que vous lisiez une version réécrite par la suite, ou une mauvaise traduction (qui reflète les croyances du traducteur) l’ancien testament ne devait pas évoquer la conscience.
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“En ce qui concerne la différence entre l’homme et les animaux, c’est très précisément la thèse de George Bataille, que j’ai rapidement présentée dans le 2e article, de dire qu’elle découle de l’utilisation des outils et du monde des possibles qui s’y rattache.”
Oui.
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« Pourquoi, une fois qu’on croit en l’invisible, devient-il impossible de montrer qu’il est invisible, que c’est une illusion? Pourquoi est-il impossible d’empêcher les gens de croire, de faire leur propres malheurs? »
Ce que vous dites est vrai. Cependant, la philosophie, la science, etc. sont les reflets des croyances de leurs auteurs. La science ce n’est pas que e=mc2, mais la justification par le passé de e=mc2 au présent. La science justifie l’ignorance que “e=mc2” n’est rien d’autre qu’un outil créé par l’homme.
Si un enfant est violé par un adulte, ce n’est pas parce que l’adulte est méchant, mauvais, que sais-je, mais parce qu’il est guidé par une croyance. L’enfant va le reproduire, faire accomplir le sacrifice à des enfants lorsqu’il sera adulte, donc les violer. Ne le prenez pas comme une vérité, cela va dépendre de la façon dont cela s’est produit, comme pour la croyance au père Noël. Je considère ici que l’acte sexuel d’un adulte avec un enfant est toujours un viol, même si l’enfant est soi-disant consentant. S’il y a violence, il pourrait ne pas y croire et ne pas le reproduire, ce sera un traumatisme. Le problème est que les adultes peuvent violer un enfant sans utiliser la violence physique, que ce soit pas la persuasion ou par des drogues.
Aussi, nous n’en sortons jamais. L’enfant va le reproduire sans savoir pourquoi. Vous dites qu’il faudrait une éthique, lui imposer de ne pas le faire, parce que, disons, ce n’est pas naturel. Je dis que cela ne marchera pas, car il y croit. Il trouva d’autres moyens de le faire. Je dis qu’il suffit de lui dire pourquoi, pas pourquoi il ne doit pas le faire, mais pourquoi il le fait, pourquoi il y a cette croyance, sur quel support matériel (quel outil), elle repose.
Aussi, ce qui m’intéresse c’est pourquoi vous vous croyez aux choses invisibles. Car les sacrifices que vous avez acceptés pour y croire, sont ceux que d’autres ont acceptés. Vous reproduisez des agissements sans savoir pourquoi. Manifestement, je ne l’ai jamais accepté, et je ne peux pas savoir ce que je n’ai pas fait, de la même façon que je suppose que vous et moi n’ayant pas été violés, ne savons pas quelles croyances guident les violeurs d’enfants. Si je sais quelle croyance vous conduit à croire cela, la chose invisible qui justifie que vous ne croyez pas qu’il soit possible de vivre sans croyance, je peux en chercher le support matériel et le montrer à tous. Je croyais qu’il s’agissait du temps, car toutes les croyances en dérivent, mais ce n’est peut-être pas cela.
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