Tout le monde sait ce qu’est un narcisse: c’est un être qui, comme dans le mythe ancien de Narcisse, tombe amoureux de sa propre image, avec toutes les conséquences pathologiques que cela peut supposer.
Le narcissisme social est une extension de cette idée, afin de désigner une tendance des sociétés d’aujourd’hui à produire des individus dont l’intérêt principal est de travailler à leur propre mieux-être.
Comment un tel phénomène est-il rendu possible ? Par l’effacement des idéaux, par l’épuisement de la contre-culture, par la perte du sens historique, la montée du cynisme, le déploiement d’un monde tapissés d’objets de consommation et de médias, ainsi que l’avènement d’une logique thérapeutique où chacun doit travailler sur lui-même. Résultat: les individus se trouvent détachés de toute tradition et se replient sur eux-mêmes. Il y gagne une certaine liberté d’esprit, un goût de l’expérience, mais y sacrifient une certaine vivacité émotionnelle en devenant foncièrement apathiques.
Gilles Lipovetsky, dans son brillant ouvrage sociologique L’ère du vide, caractérise l’esprit narcissique de la manière suivante:
[…] cette nouvelle conscience cool et désinvolte , en tout point semblable à la conscience téléspectatrice, captée par tout et rien, excitée et indifférente à la fois, sursaturée d’informations, conscience optionnelle, disséminée, aux antipodes de la conscience volontaire […]
Lipovetsky insiste dans son ouvrage pour que l’on ne voit pas dans l’esprit narcissique une quelconque forme de décadence civilisationnelle. Pour ma part, je pense qu’il n’est pas important de savoir si l’étiquette de la décadence doit être apposée ou non sur le narcissisme social. L’essentiel est de reconnaître que cette forme de la conscience, qui nous habite d’ailleurs tous à des degrés divers, amène, comme toutes les formes de conscience, son lot de problèmes, et qu’il importe par conséquent d’y réfléchir, d’en faire la critique.
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