Le poète ? Il n’est pas un révélateur de paradoxes comme peut l’être le philosophe. Il est le paradoxe. Il s’engouffre dans cette plaie et se laisse couler jusqu’au revers de la toile langagière qui recouvre le monde. De cette position, il a tout le loisir de se jouer des mots, de les subvertir comme cela lui chante, de les détourner de leur fonction originelle, de les extirper du règne auquel ils sont dédiés: celui de l’utilité. La poésie est toujours une affaire de rébellion.
La rébellion meurt dès qu’elle se fixe, dès qu’elle devient règne. Sa finalité est par conséquent de ne jamais triompher, d’entretenir son propre mouvement perpétuel. Les victoires ne lui sont jamais que des escales, prétextes pour mieux repartir. De même que la poésie meurt dès que son mouvement s’arrête sur les mots qu’elle emploie. Sa finalité n’est ainsi jamais de signifier, mais plutôt de toujours se tenir à quelque part entre les mots, entre les lignes, afin de créer des images.
Les images sont ces feux d’artifices langagiers dont on ne sait trop ce qu’ils signifient, ni ce qu’il convient d’en faire. Pourtant, ils n’en sont pas moins porteurs de sens, et ils nous disent tout de même quelque chose… que les mots ne peuvent épuiser.
C’est intéressant… Vous m’emmenez sur vos sujets et cela me pose question.
Je vais émettre une hypothèse. Je pense que l’art et la poésie vont de pair.
L’artiste est celui qui sait représenter la connaissance, l’écrit. C’est très net en chine au moyen âge où c’est celui qui sait représenter les symboles (l’écrit). Il se fait décrier lorsqu’il les déforme. Tout le monde n’a pas besoin de les connaître, c’est donc un scribe qui travaille pour ceux qui savent. Que devient l’artiste dans un monde où le langage est écrit et accessible à tout le monde?
Le poète est celui qui enseigne ce qu’il faut faire qui se déduit des écrits, auprès de ceux qui ne savent pas les déchiffrer. Il prend son bâton de pèlerin et passe de village en village pour dire aux gens ce qu’il faut faire. C’est donc Homère (bien qu’il soit intéressant de noter qu’il n’était pas d’origine Hellénique, donc qu’il faisait parti des vaincus…). Que devient le poète lorsque cela n’est plus utile, qu’il y a d’autres façons de l’enseigner et que, dans le même temps, il y a plusieurs enseignements possibles? Ne va-t-il pas se rebeller contre cet enseignement? Mais s’il se rebelle, ne doit-il pas se méfier des autorités? Le poète n’est pas un milliardaire comme Voltaire qui défend ses intérêts, dont la parole est celle de l’élite. Que peut-il faire contre eux, si ce n’est de s’engouffrer dans le paradoxe qui le met hors de l’opinion et le rend invulnérable, dans le sens où il ne contredit pas l’enseignement des autorités.
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