Le brasier du monde

Le brasier du monde

C’était le jour de Noël et, assis sur un vieux fauteuil grinçant, je contemplais avec amour le feu que je venais d’allumer. Bercé par les lumières chatoyantes du brasier et les crépitements qui s’échappent de l’âtre, je me mis alors à songer que l’ensemble des petits gestes qui président à la préparation d’un bon feu constitue certainement l’un des plus grands bonheur de la vie. Il y a en effet un indicible et fascinant quelque chose dans le plaisir de fendre le bois – un plaisir rendu franc par la violence du contact avec la matière, puis dans l’étreinte donnée aux bûches pour les transporter jusqu’au lieu d’immolation, et ensuite dans le tourbillonnement des caresses olfactives, doucement dispensées par ces si précieux matériaux que sont érables, bouleaux, cèdres et autres trembles. C’est enfin dans le moment solennel où les cylindriques victimes sont empilées sur l’autel métallique, prêtes à être sacrifiées pour le seul agrément des convives rassemblés. Lire la suite « Le brasier du monde »

Citation de la semaine: Vladimir Jankélévitch

Citation de la semaine: Vladimir Jankélévitch

« […] la philosophie […] existe à peine, c’est-à-dire n’existe que par surprise et quand on détourne les yeux; dès qu’on la considère trop attentivement, on la voit devenir autre chose, psychologie, sociologie ou histoire de la philosophie des autres, car elle vit des miettes des sciences positives; la philosophie existe en gros, comme effet de masse ou d’approximation, alors que de près elle se désagrège à l’infini. »

– Philosophie première

Quelle est ta vérité ?

Quelle est ta vérité ?

Pour l’affamé, la vérité est une nourriture qui sustente. Pour l’ensommeillé, c’est un lit bien douillet. Pour le désireux, c’est un havre de volupté. Pour l’ambitieux, c’est un levier qui déplace les montagnes. Pour qui se languit d’un peu de société, c’est un pont vers les autres. Pour l’assoiffé de sens, c’est une idole à adorer. Pour l’aventurier, c’est un ailleurs qui surprend.

Quant à toi, philosophe qui de la vérité se dit amoureux, de quelle sorte est-elle donc, ta vérité ?

La fin du monde en IMAX

La fin du monde en IMAX

Je suis allé au cinéma il y a de cela quelque temps afin de voir le charmant documentaire Anthropocène, qui porte sur les changements que la main de l’homme impose à la Terre. Plus particulièrement, le film défend, par le moyen des images et des émotions qu’elles suscitent, la thèse selon laquelle nous serions entrés dans une nouvelle ère géologique dont la caractéristique distinctive consiste précisément dans le fait que les changements géologiques qui y ont cours seraient dus à la main de l’homme, avec la responsabilité que cela implique. Ainsi les réalisateurs braquent-ils leur caméra sur nos activités d’extraction de ressources premières, d’aménagement des terres, d’aménagement urbain, sur les changements climatiques que nous provoquons, ainsi que sur notre simple prolifération, qui change certes le visage de la planète. Au vu de tous ces incroyables phénomènes, il est en effet difficile d’infirmer que l’anthropocène est une réalité des plus concrètes. Toutefois, bien qu’il s’agisse d’un sujet des plus passionnants, ce n’est pas de cela dont je veux ici parler mais bien plutôt de l’émotion esthétique sur laquelle le film m’a laissé. Lire la suite « La fin du monde en IMAX »

Citation de la semaine: Sylvain Trudel

Citation de la semaine: Sylvain Trudel

Sans la lumière, les gens se prendraient par le bras et avanceraient lentement, à tâtons, ensemble d’un même pas hésitant, comme des frères; nul ne posséderait plus aucune certitude et il n’y aurait plus de croyances dans les têtes, mais, hélas, le soleil existe et les gens préfèrent croire les mensonges de la lumière qui les rendent si malheureux.

Du mercure sous la langue

Petite promenade sur novembre

Petite promenade sur novembre

Qu’il est curieux le plaisir de se promener, l’automne venu, dans la forêt afin d’observer les arbres se profiler dans leur plus simple apparat ! De prendre acte du ralentissement des choses, du déclin de nos amis végétaux, de l’épuisement de nos cousins animaux !  Quel bonheur étrange ! Est-ce que notre cœur ne devrait pas plutôt pencher tout entier vers la dansante surabondance de l’été ou vers la frénésie montante du printemps ? N’est-ce pas après tout dans ces chaleureuses circonstances que la force de la vie se rend le plus palpable à notre esprit ? Du moins, c’est ce qu’il peut nous sembler mais pourtant, il n’en est pas tout à fait ainsi: que l’automne soit à même de nous soulever lui aussi implique que la disette, l’étiolement et la chute aient également leur petit charme particulier. Lire la suite « Petite promenade sur novembre »

La braguette maléfique

La braguette maléfique

D’entrée de jeu, je dois avertir le lecteur que je vais révéler, dans les lignes qui suivent, un pan tout à fait obscur de mon existence. C’est quelque chose de si troublant qu’il est fort possible que l’image que l’on se sera assurément faite de moi jusqu’ici – soit celle d’un irrésistible et distingué dandy de plage au bronzage parfait – soit troublée à tout jamais. Pourtant, quelque chose me force tout de même à écrire. Est-ce le génie malin qui m’habite et me pousse depuis toujours à toutes les turpitudes philosophiques dont je barbouille ces lieux ? Je n’en sais rien: le bourreau qui s’acharne sur mon cas prends soin de ne jamais se dévoiler, me privant ainsi de la mince consolation qu’il y aurait à connaître la cause de mon tourment. Ici, comme ailleurs, je dois donc une fois de plus m’abandonner à cette servitude dont j’ignore les tenants et aboutissants. Lire la suite « La braguette maléfique »

Mammouth et fier de l’être

Mammouth et fier de l’être

Quand j’étais petit, c’est-à-dire il y a quelques millions d’années, mes semblables et moi écoutions de la musique principalement à partir de bobines de ruban magnétique fixées sur un support de plastique que nous appelions cassette audio. C’était un horrible support car le ruban se tordait constamment, se déchirait ou se déroulait et il fallait alors l’enrouler de nouveau manuellement. Pourtant, c’est un support qui nous rendait heureux et qui était, de notre point de vue, la réalisation même du progrès. D’ailleurs, beaucoup d’individus de mon âge ont connu l’incommensurable fierté de se promener dans la rue avec, à la ceinture, un rutilant walkman Sony Sports jaune. Lire la suite « Mammouth et fier de l’être »

Ars Rhetorica #4: Puissance de la grisaille

Ars Rhetorica #4: Puissance de la grisaille

Même le discours le plus rationalisant, le plus littérairement rêche et gris fait de sa grisaille un procédé rhétorique: celui par lequel il prétend justement être au-dessus des procédés rhétoriques et, corollairement, que tout son contenu découle d’une dialectique froide et impartiale. Ou mieux: d’une dialectique divine. Lire la suite « Ars Rhetorica #4: Puissance de la grisaille »